La majorité de la population masculine de Koléa travaille dans le secteur du bois. Cette activité est héritée de père en fils depuis la nuit des temps.Située à 47 kilomètres à l'ouest de la capitale, cette contrée de la banlieue algéroise est le poumon d'une industrie artisanale. Plus de 1500 ateliers risquent d'être fermés faute de soutien et particulièrement suite à la forte concurrence des importateurs. La menuiserie emploie entre 60 et 70% des jeunes de Koléa. La fabrication des meubles s'effectue par des groupes de cinq à six ouvriers. «La matière première est généralement importée d'Indonésie. Son prix a augmenté d'au moins 10%. Cette hausse est difficilement supportée», a affirmé Mohamed, jeune chef d'atelier vraisemblablement exaspéré. Les bénéfices tirés de la fabrication de meubles ne sont pas très énormes. «Nous avons des marges de 5000 DA seulement sur un meuble de chambre par exemple», a indiqué Ibrahim, menuisier depuis plus de 30 ans. «En plus de cela, les impôts absorbent toutes nos économies, sans oublier la rémunération des ouvriers. En réalité, nous ne travaillons que pour manger et boire. Nous survivons», poursuit-il. Depuis 1993, la menuiserie à Koléa ne connaît que des déboires. «Les importateurs de meuble nous causent beaucoup de tort. Ils sont derrière les difficultés que nous rencontrons», estime de son côté Khaled, un autre chef d'atelier. Pour Ibrahim, «les importateurs font entrer en Algérie des meubles porteurs de maladies. Les meubles de l'étranger sont fabriqués à partir d'un mélange des déchets de bois compactés (ndjara) et de plastique. Leurs produits comprennent des motifs décoratifs pour attirer les clients. Ils trompent les citoyens avec de l'esthétique. Les citoyens ne sont pas conscients des dangers sanitaires qu'ils encourent à leur famille, notamment les enfants. Aussi, les meubles de l'étranger en question connaissent au bout de six mois des défaillances. Tandis que nos produits sont de qualité. Nos clients peuvent revenir pour faire des réparations». Selon nos interlocuteurs, «la seule solution pour préserver des milliers de postes d'emploi est l'interdiction immédiate par les pouvoirs publics des importations des meubles». «Tous les habitants de Koléa sont inquiets pour leur avenir, entre autre la jeune génération. Car si cette tendance continue, d'ici à 4 ans tous les ateliers de Koléa fermeront et des milliers de jeunes se retrouveront au chômage. Ainsi, l'on s'attend à un raz de marée de jeunes qui emprunteront le sentier des psychotropes, d'autres penseront à la harga», avance sur un ton coléreux Sofiane. Mohamed a déploré l'inactivité des ateliers de menuiserie, réservé de fait à l'été. «Nous fabriquons une série de meubles de chambre et nous attendons leur vente. Les séries peuvent rester des mois avant d'être vendues à un client. Nous ne savons plus quoi faire.» «La crise du logement avec les nombreuses années d'étude ont provoqué le recul de l'âge du mariage. En prenant en compte l'invasion des produits étrangers avec leur concurrence déloyale et leur mauvaise qualité, cela s'est répercuté sur la vente de meubles», a analysé Ibrahim, entouré de son équipe d'ouvriers. Et de poursuivre par une citation lourde de sens : «Nous sommes en train de couler, et nos familles sont sur le même bateau.» Les sections de doigts «Nous aimerions profiter des crédits bancaires afin de se procurer du matériel laser pour la morcellement des plaques de bois», a signalé Khaled, qui a deux doigts sectionnés. Selon lui, «la majorité des menuisiers de sa ville ont soit le pousse, soit l'index, soit le médius sectionné». Il a également souhaité que ses semblables «profitent d'une assurance risque». Sofiane, ouvrier chez Khaled, a perdu son index. Il a seulement bénéficié de 400 DA de la Cnas, alors que 1200 DA étaient nécessaires pour l'achat des médicaments. Enfin, s'agissant de la création d'une fédération locale des menuisiers, nos interlocuteurs ont la profonde conviction qu'une association de ce type «n'aurait aucun poids pour canaliser leurs revendications».