Les révélations sur les frasques de l'agent de la CIA en poste à Alger ont, par leur caractère inédit et inattendu, suscité un vif intérêt médiatique. Il est, en effet, pour le moins insolite d'assister au déballage, avec force détails de surcroît, des activités, hors les heures de service il faut le préciser, d'un personnage dont la vocation est d'être inconnu du grand public. Les informations données par la télévision américaine ABC ont été confirmées en un temps record par les autorités fédérales américaines, qui n'ont pas été avares en éléments et autres précisions pour donner un impact médiatique des plus larges à l'affaire. Cette transparence, dont il faut avouer qu'elle n'est pas dans les coutumes de la maison de Langley ni dans les traditions d'un milieu fermé par nature, n'est pas sans susciter quelques sentiments dubitatifs. Une règle élémentaire dispose qu'un agent secret l'est d'abord par définition. Dans les annales de l'espionnage, il est extrêmement rare que l'identité d'un agent soit du domaine public, y compris dans le cas de figure où il se serait exposé à des actes répréhensibles pour le commun des mortels. Aux Etats-Unis spécialement, révéler l'identité d'un agent secret est un acte criminel passible d'une lourde peine de prison, et, pour s'en convaincre, il n'est qu'à revenir à l'affaire Plame, l'agent dont le nom avait été révélé également par la presse. Ceci pour dire que la transparence inhabituelle qui a entouré l'affaire Andrew Warren est tout sauf classique. Autre zone d'ombre qui ajoute à l'opacité de ce jeu de piste intrigant, l'insistance des autorités fédérales américaines à faire de ce cas un exemple, une sorte de gage pour affirmer le respect de l'image de marque de l'administration fédérale américaine et de ses agents. Ces professions de foi inhabituelles sont assez singulières, quand on sait qu'au jour d'aujourd'hui, plusieurs affaires troubles restent entachées de mystères, comme l'assassinat de Patrice Lumumba ou, plus récemment encore, l'affaire des vols et prisons secrètes de cette même CIA. Pour revenir au cas Warren, dont le patronyme rappelle un rapport resté fameux et lié justement à un acte supposé de la CIA, cet agent recruté au lendemain des événements de septembre 2001 serait, selon des indiscrétions, un excellent arabophone, doublé d'un opérationnel de talent spécialiste de l'infiltration. Des détails troublants qui s'ajoutent à la somme d'interrogations, quand on apprend qu'il aurait laissé derrière lui, après son rappel à Washington, des enregistrements et autres preuves matérielles qui relèvent plus du vaudeville style inspecteur Clouzot que du barbouze modèle James Bond. Les préventions sont donc assez nombreuses sur les tenants et aboutissants de cette affaire, dont la tournure salace apparaît comme un chemin de traverse, un scénario de polar très aisé à fabriquer dans le pays d'Hollywood. Il reste que cette affaire survient à un moment où l'image de marque des Etats-Unis, passablement ternie ces dernières années, a besoin d'une sorte d'opération mains propres — ou «mœurs propres» en l'occurrence — comme semble l'indiquer la fermeture annoncée de Guantanamo, et le désir d'Obama de rompre avec l'image de cow-boy qui a été celle des USA durant l'administration Bush.