Il y a à travers ce début de campagne des réalités des plus affligeantes. Pour la plupart des potentiels candidats, la présidentielle ne se gagne guère grâce à la maîtrise des arts «technico-artistiques» de l'image du candidat, ni avec les secrets opératoires d'un marketing de communication. Nos postulants à la magistrature suprême ne se soucient guère de ces «sophistications» trop alambiquées à leurs yeux ou à leurs staffs. Certains indépendants se contentent de comités de soutien et des sympathies de presse pour vendre un nom ou un programme. Lors des dernières élections de 2004, certains postulants m'avaient clairement indiqué que la communication n'a rien à voir avec les urnes, elle ne convainc personne parmi les indécis et qu'elle n'est d'aucun apport dans l'adhésion des masses. A vrai dire, avec cette édition, les candidats reproduisent la même mentalité, le même schéma. Pour eux, la communication est un appendice, un accessoire ou un banal instrument de propagande. «La télégénie n'à rien à voir avec les urnes», me disaient un ancien «lièvre». Pourtant, les experts en communication politique ont prouvé dans des sociétés urbanisées que l'image véhiculée par un leader peut valoir des succès inespérés dans les bureaux de vote, comme elle peut être le déclencheur de grosses déceptions électorales. Et ce n'est pas la communication qui est ainsi faite, mais c'est plutôt l'art de faire de la communication. Exemple significatif : lors d'une réunion des représentants des candidats avec les responsables de l'ENTV, la veille du début de la campagne électorale de 2004, on a beaucoup plus insisté sur leur liberté de choisir eux-mêmes les 2 minutes du discours du meeting du jour pour un passage dans le JT, c'est-à-dire le «tri verbal». Point de souci sur la qualité de l'image, les choix des plans de coupe, les énigmatiques gros plans ou plans rapprochés, l'usage des cadrages, la mise en forme des décors d'une manière générale ou des micros d'ambiance, voire de la qualité du son. On oublie et on n'accorde aucune importance aux regards traîtres, aux fausses apparences, aux gestuelles d'énervement, aux timbres de la voix comme aux sourires de décontraction, aux sourcillements d'amusement ou des mouvements spontanés. Et ce sont ces magiciens de la communication moderne qui le disent avec des sondages et des études. Il serait fastidieux d'énumérer des faits célèbres, cette larme qui fait booster un indice de popularité, ce rictus qui avale des points ou ces mimiques antiséductrices. Rappelons-nous des supplications de Chadli après les émeutes du 5 octobre 1988 et ses effets le lendemain, souvenons-nous des prestations hilarantes de l'ancien président du PNSD et sa mer du désert… En fait, les postulants, notamment les indépendants, ont-ils vraiment une stratégie de communication peaufinée et maîtrisée, lorsqu'on voit dans leurs premiers communiqués de presse le degré d'impréparation, l'amateurisme classique des profanes et la «dictature du texte» aux dépens de l'image ? Comment des candidats à la magistrature suprême se lancent dans l'aventure alors qu'ils n'ont pas installé un staff de campagne, cette logistique nécessaire pour engranger des points, ni faire appel à des professionnels de la communication ? Faut-il s'en désoler ? Il est notoire que nos hommes politiques se montrent très mal à l'aise face à l'œil des caméras, moins sereins, moins confiants, moins convaincants, presque loin d'être aimables. Très peu savent, plus ou moins, domestiquer ces artifices, se mettre à leur avantage. Or dans l'imaginaire collectif de notre électorat, l'image du futur président est déjà intégré, par effet des ambivalences, des symboliques et des avatars de la tradition sociale, comme un personnage d'envergure, une personnalité charismatique et au caractère fort. Dans ce cas précis, on n'a vraiment pas besoin de recourir ni à la persuasion ni à la fraude.