S'il y avait un élément de comparaison avec l'Algérie, largement perceptible chez les observateurs qui se sont exprimés sur ce qui vient de se passer en Egypte, il tiendrait dans un monumental paradoxe. Quasiment tous ces intervenants, les plus avertis parmi eux compris, parlaient des Frères musulmans égyptiens comme des «extraterrestres» par rapport à l'Islam politique. En même temps, ils ne pouvaient pas s'empêcher de faire le parallèle avec le FIS algérien. D'abord, pour d'évidentes considérations méthodologiques, tout ce qu'il y a de plus classique : on ne peut pas analyser un fait et une situation inédite dans un pays sans la «situer dans son contexte mondial et régional». L'un dans l'autre, il faut aussi aller chercher dans l'histoire récente des événements proches ou similaires qui peuvent être utiles à l'analyse. Ensuite, parce qu'une fois évacuées les différences de forme et de… contexte, il y a vraiment matière à comparaison. Et les spécialistes ne peuvent s'en passer, en dépit de l'embarras dû à leurs contradictions sur une question de fond. On ne peut pas en effet mettre les Frères musulmans à l'écart de l'Islam politique d'essence violente attribué aux seuls salafistes et faire des projections on ne peut plus claires sur un probable «scénario à l'algérienne» pour prolonger la destitution de Mohamed Morsi de la présidence égyptienne. L'embarras devient encore plus perceptible quand l'un de ces observateurs, pourtant particulièrement virulent dans sa… dénonciation du coup d'Etat, a été invité à définir les Frères musulmans : «Ils sont la matrice idéologique et politique de tout l'Islam politique tel qu'on le connaît aujourd'hui» ! Et s'il avait pensé à chercher plus loin ou plus près de nous, l'expression violente de cette «matrice idéologique et politique», il n'aurait eu qu'à tendre la main pour trouver. Dans l'assassinat en live d'Anouar Sadate qu'il avait pourtant évoqué, mais comme on évoque un fait divers de l'histoire récente de l'Egypte. Ou alors, analogie pour analogie, rappeler l'épisode Bouyali en Algérie. Sinon l'assassinat de Kamel Amzal par les islamistes quand personne ne faisait la nuance entre Frères musulmans et salafistes, pour la simple et bonne raison qu'il n'y en avait pas ! Et pour cause, s'il y avait une nuance, les Frères musulmans n'auraient pas été réduits à une portion congrue à l'épreuve de la légalité politique en Algérie. Et peut-être bien qu'ils ne seraient pas arrivés au pouvoir en Tunisie et en Egypte ! Qu'on ne s'y méprenne pas donc. Les troupes des Frères musulmans, qu'ils soient Algériens, Tunisiens ou Egyptiens n'ont pas la réputation de couper les cheveux en quatre pour des considérations idéologiques. Ils veulent le pouvoir et ce qu'ils comptent en faire : des Etats théocratiques. Le reste n'est qu'effort de «fréquentabilité», tous les jours remis en cause à l'épreuve du terrain. Les Frères musulmans et leurs démembrements nationaux, comme… le FIS n'acceptent d'intégrer le jeu démocratique qu'en tant que moyen de parvenir aux affaires. Et y rester. Ce n'est pas Abassi Madani qui a inventé «le coran comme unique Constitution», c'est… Hassan Al Banna ! Alors le Hamas algérien passe aux «choses sérieuses» après avoir consommé ses désillusions entristes, Ennahda tunisienne érode les espaces de liberté en composant avec ses «extrémistes» déjà au maquis et les troupes de Morsi promettent l'enfer à ceux qui ont «volé leur victoire». Une victoire dont on a rapidement su ce qu'ils voulaient en faire. On aura remarqué que les salafistes sont étrangement absents dans tout cela. On fait le travail pour eux. A moins que ce ne soit avec eux. Le printemps est pour tout le monde.