La crise qui secoue la région entame son 22e mois avec, cette fois-ci, une lueur d'espoir. Toute cette période, faite de grèves, manifestations de rue et tentatives de dialogue, montre combien est profond le fossé qui sépare les deux protagonistes. Depuis l'émergence du mouvement citoyen des ârchs au lendemain de deux bavures successives commises par les éléments de deux brigades de la Gendarmerie nationale, la région de la Kabylie vit au rythme de la protestation. Ni les ârchs, encore moins le pouvoir, ne se sont souciés de ce que pense une opinion de plus en plus désabusée, n'aspirant désormais qu'à vivre en paix. Le statu quo, que les deux parties en conflit n'arrivent pas, consciemment ou inconsciemment à dépasser, virait dangereusement vers l'irréparable. L'épisode de la grève de la faim, entreprise par les animateurs de l'interwilayas pendant 42 jours, rappelle à bien des égards l'entêtement qui caractérise les deux parties en conflit. Le bras de fer ârchs-pouvoir, qui n'en finissait pas de s'enliser au point d'étouffer toute vie, laissait plus d'un sceptique. Mais voilà que l'espoir renaît de nouveau à la faveur de la cessation de la grève de la faim que l'ensemble des acteurs de la société avait accueillie avec soulagement. Serait-ce l'heure de la sagesse qui a sonné? Si tel est le cas, il faudrait par conséquent s'y employer au plus vite. Le mouvement citoyen a, certes, réussi maintes fois à faire preuve d'une force allant même jusqu'à sortir «victorieux» lors des deux derniers scrutins même si la méthode de rejet était entachée de violences. Ces victoires citées aujour-d'hui comme exemples en matière de performances, n'ont, contrairement à ce que pensent certains, pas bouleversé l'ordre des choses sur le terrain. Le rapport de force étant resté le même, il a fallu qu'une deuxième vague d'arrestations d'animateurs soit entreprise, pour que toute la fragilité d'un mouvement se fasse jour. Déjà ébranlé par le retrait du FFS, jadis partenaire important, le mouvement citoyen n'a pas réussi à construire une alternative politique espérée par des milliers de citoyennes et citoyens qui s'étaient donnés corps et âme pour venir à son secours. Ce mouvement, voulu comme un rempart contre toutes les pratiques à l'origine de l'isolement des partis politiques, la réalité du terrain est venue, tel un couperet, révéler que ce sont ceux qui, autrefois, agissaient sous couvert de ces formations politiques, qui guident l'embarcation. Cette prise de conscience a fini par venir à bout d'une solidarité sans faille. Subtilement, la population l'a fait savoir aux animateurs par le biais de sa démobilisation. Aujourd'hui, la situation est telle qu'on a l'impression de revenir à la case départ. Le mouvement citoyen, unificateur et rassembleur, est, aujourd'hui, perçu comme une partie parmi d'autres au sein de la société. La stratégie de lutte adoptée à ce jour, l'exclusion des compétences intellectuelles, frappées très souvent par l'anathème et ce sentiment de «tourner en rond» sont les principales erreurs accumulées, devenues de nos jours difficiles à surmonter. Les effets engendrés par cette crise sont venus à bout de tout espoir au sein d'une population qui fait montre d'une inquiétude grandissante aggravée par la tournure que prenait au fur et à mesure la grève de la faim. Dans les communes où le vote n'a pas pu se tenir en raison de l'empêchement, la solution de remplacement tarde à venir. Quatre mois après, les citoyens de ces municipalités en sont arrivés à s'interroger sur leur sort. Devant l'intransigeance des uns et des autres et les risques graves qu'encouraient les grévistes, des voix s'élèvent pour dire «Halte!». Au sein du mouvement citoyen, l'idée d'une solution pacifique au conflit faisait son chemin mais des réticences existaient toujours. A la lumière des nouveaux développements qui en appellent d'autres, des voix s'élèvent pour appeler à une solution politique. Après le Satef de Béjaïa et les Moudjahidine, ce sont des parents de martyrs, de blessés et d'autres citoyens de la ville d'Akbou qui sortent de leur réserve. La voix de la sagesse doit, cette fois-ci, en principe prévaloir ne serait-ce que pour mettre le pouvoir devant le fait accompli, avancent de nombreux observateurs. L'idée d'une conférence nationale sera le point essentiel dont les structures du mouvement débattront ce week-end. Les jours qui viennent seront-ils annonciateurs de grandes décisions? Les prochains conclaves des ârchs sont, à ce titre, très attendus.