Il a tenu à se démarquer de toute démarche politique. L'entretien que Lamari a accordé au Point a paru le jour même où le Chef du gouvernement, Ali Benflis, arrivait à Paris pour une visite de quarante-huit heures. Le hasard du calendrier et le «marketing» de l'armée ont été à ce point convergents pour s'inscrire dans le cadre de l'opération de charme lancée par l'Algérie en France même. Mais, plus que la visite de Benflis, c'est l'entretien de Lamari qui a focalisé l'attention des observateurs avisés. En s'adressant à un média français à grand tirage, qui plus est connu par ses positions politiques médianes, le patron de l'armée algérienne lance son message à l'endroit des capitales occidentales. Pour les fans d'un conflit ouvert entre le Président Bouteflika et l'institution militaire, Lamari oppose une ferme fin de non-recevoir: «L'armée est une institution de la République», qui obéit donc au premier magistrat du pays. Péremptoire, il ajoute: «Il n'existe pas d'antagonisme entre le Président Bouteflika et l'armée», et, qu'en outre: «Nous mettre en opposition avec le Président, cela ne prend pas.» En fait, Lamari ne fait que conforter ce qu'il avait déjà dit, lui-même, durant l'été 2002, et ce que le général-major Mohamed Touati avait réaffirmé le 28 octobre de la même année. Mais à chaque nouvelle occasion, nous avons assisté à un nouveau conflit créé là où il n'y en a pas par une certaine presse qui veut se spécialiser dans la création et la gestion des conflits. Autre point culminant dans l'interview de Lamari: la lutte antiterroriste. Pour le chef de l'Armée algérienne, il n'a jamais été question d'avoir vaincu définitivement le terrorisme, mais d'en avoir «brisé la colonne vertébrale», détruit les fondements et réduit les effectifs opérationnels «de 27.000 à un millier». Ce dernier chiffre donné semble être revu à la hausse après celui de 600 donné par le ministre de l'Intérieur et les 700 avancés par le lieutenant-colonel Zerrouk dans une communication lors du colloque international d'Alger sur le terrorisme (26-28 octobre 2002) où le discours triomphaliste des initiateurs a fait florès. Les raisons des restrictions françaises en matière de dotations en moyens de lutte antiterroriste sont le fait de «politiques». La DST et la Dgse sont des services avec lesquels le chef de l'ANP partage la même analyse sur les risques liés au terrorisme, mais ce sont les politiques qui posent problème. Ces deniers, selon le chef de corps d'armée, «soumettent l'Algérie à un embargo de fait». Officiellement, la France n'a même pas permis à l'Algérie d'acquérir auprès d'elle des cartouches de fusils de chasse pour les gardes communaux... En insistant sur le rôle républicain de l'armée, Lamari a tenu à se démarquer de toute démarche politique. Comme lors de son point de presse organisé à Cherchell, Lamari semble dire qu'il s'en tient à son travail de militaire et que toute prise de décision de nature à (re)plonger le pays dans de nouvelles zones de tension sera le fait de politiques. Le récent regain de violence terroriste constaté au début de l'année et dont l'armée algérienne, qui, aujourd'hui, prend sur elle de défendre son institution et de s'attaquer de front à ses détracteurs, au moment où l'assassinat des moines de Tibhirine et l'implication de l'ANP dans cet événement sont remis au jour par des médias français. Plus qu'un marketing militaire, les messages distillés par le général de corps d'armée sont une offensive envers les capitales occidentales dans un moment crucial des relations internationales marquées par divers foyers de tension, à Bagdad, à Jérusalem, à Pyongyang, etc. et par des dispositions résolument belliqueuses de la part des pays développés. Sa volonté de faire sortir l'ANP du carcan du cycle tension-quadrillage des villes-accusations pour la porter vers un professionnalisme graduel se mesure par les pérégrinations qui l'ont conduit, depuis plus d'un an, à faire pratiquement deux fois le tour du monde, c'est-à-dire plus que ce qu'a fait William Burns, le plus entreprenant des émissaires américains à travers le monde.