C'est un véritable pavé dans la mare que vient de jeter le chef d'état-major dans son entretien au journal Le Point. En effet, jusqu'à hier, la plupart des parties directement ou indirectement concernées par les dernières déclarations du général Mohamed Lamari à propos de l'éventualité de l'émergence d'un président islamiste à l'occasion du rendez-vous électoral d'avril 2004 réservaient encore leur réaction définitive. Du côté du MRN de Saâd Abdallah Djaballah, seul parti à ne pas différer sa réaction, le ton est à l'euphorie. Le premier parti islamiste du pays, par la voix de son porte-parole, Lakhdar Benkhellaf, qualifie de «positive» la déclaration du chef d'état-major de l'ANP. Cette réaction, explique notre interlocuteur, est d'autant plus requise que «l'institution militaire a, de tous temps, désigné les présidents avant de les soumettre à l'approbation des partis et des associations en vue de mettre en place leurs comités de soutien». Et de rappeler, à ce sujet, «les épisodes de 94 lors de la désignation de Liamine Zeroual à la tête de l'Etat, 95 lors de son élection à la présidence, et 99 avec l'actuel chef de l'Etat, la fraude qui en avait résulté et le retrait des six candidats». Le MRN, qui salue donc cette sortie, n'en ajoute pas moins qu' «il faut qu'elle soit suivie d'actes» et que «l'ANP revienne à ses missions constitutionnelles et cesse définitivement de faire de la politique». Pour le MRN, «il est toujours respectable de reconnaître ses erreurs avant de les corriger. Ce qui est condamnable, en revanche, c'est de persister dans l'erreur». Notre interlocuteur, tout en précisant que la décision finale appartiendra au majliss echoura, instance suprême du parti entre deux congrès, n'en annonce pas moins que «cette dernière sortie a renforcé le président du parti, Saâd Abdallah Djaballah, à se présenter à la présidentielle d'avril 2004 ou d'avant cette date». Du côté du MSP, le ton paraît tout autre. Si le porte-parole du parti de Mahfoud Nahnah, Abdelmadjid Menasra, était inscrit aux abonnés absents et que le président du mouvement se trouve en convalescence à l'étranger, personne n'a voulu se prononcer sur cette question jugée «délicate» par tous ceux que nous avons pu joindre. Le MSP, qui a déjà beaucoup perdu lors des derniers rendez-vous électoraux, donne toujours l'air de chercher ses marques et de ne pas trop essayer à «tirer le tigre par la queue». Un cadre du parti, qui a requis l'anonymat, a accepté de nous dire que cette affaire «semble être bien accueillie dans les milieux dirigeants du parti, même si le MSP ne souhaite pas trop s'étaler sur cette question». Le Docteur Ahmed Taleb Ibrahimi, qui a beaucoup souffert des suites des décisions prises à son encontre par le ministre de l'Intérieur et sur lequel l'étiquette d' «islamiste» a été colée s'est montré prudent par rapport à cette question. «Je me penche en ce moment sur ce sujet. Je ne peux encore rien dire avant d'avoir cerné l'ensemble des points liés à cette affaire.» Le président du mouvement Wafa, interdit sans décision écrite, comme à son habitude, cherche à demeurer serein et à ne pas réagir à chaud sans avoir bien pesé l'ensemble de ses mots et, sans doute, consulté la plupart de ses proches collaborateurs. Côté Ali Yahia Abdennour, défenseur des droits de l'Homme et relativement proche des milieux islamistes dont il a toujours pris la défense, il nous a été demandé d'attendre demain (c'est-à-dire aujourd'hui) avant d'obtenir toute réaction. Ce qui ressort, en gros, de ce tour d'horizon, c'est que le milieu islamiste se montre très favorable à la sortie du chef d'état-major même s'il attend que celle-ci soit étayée par des actes.