Les jours à venir seront riches en événements puisque le mur du silence est désormais brisé. La sortie médiatique du collectif des artistes kabyles, hier à la salle Frantz-Fanon (Alger), a crevé l'abcès longtemps couvé par une situation confuse. La montée au créneau de ces artistes est intervenue, en effet, au moment où plusieurs voix commencent à se manifester dans la région après deux années d'unanimisme qui ne pouvait être sans dégâts dans le bastion du pluralisme démocratique. Les moudjahidine, les enseignants, des députés indépendants et les anciens délégués, se sont exprimés ces deux dernières semaines et ont développé un débat contradictoire qui casse ainsi la chape de plomb qui s'est imposée en Kabylie. Aussi cette dynamique impulsée par ce qu'il convient d'appeler, dans une certaine mesure, la majorité silencieuse, constitue-t-elle une véritable alternative pour une sortie de crise, maintenant que le pouvoir, le premier responsable de la crise, a fait preuve d'une indigence «historique» en matière d'anticipation sur les événements et le noyau dur des ârchs, qui campe sur ses positions. Il faut relever également que l'expression de ces différents courants s'est faite ou se fait sans recourir aux intimidations, aux mises en quarantaine et au qualificatif de traître collé, au début de la crise, à toute voix non en accord avec celle des ârchs. Peut-on espérer que ces alternatives, même si elles demeurent isolées et non coordonnées, constituent l'ébauche d'une sortie de cette situation kafkaïenne? A en croire les déclarations des artistes présents hier au cercle Frantz-Fanon, la situation n'est pas aussi simple. Ils ont dénoncé une tentative d'assassinat de la chanson kabyle. Qui est derrière ce scénario? Pour eux, ni le RCD ni le FFS et encore moins le mouvement citoyen. Le pouvoir alors? Rien n'est moins sûr puisqu'il (le pouvoir) a organisé toute une cabale médiatique afin d'amener les chanteurs kabyles à participer à L'Année de l'Algérie en France et donner par là même une dimension pluraliste à cet événement international. A propos de cette manifestation justement, les accompagnateurs d'Aït Menguellet ont déclaré: «Des gens ont décidé à notre place, sans nous consulter, pour faire croire que nous n'allons pas participer à l'événement». Se gardant de citer des noms, ceci relève du travail de la police, pour reprendre les propos du peintre Arezki Larbi, ils ont cependant laissé entendre qu'un complot sciemment organisé est en train de se tramer contre la Kabylie. Cette machination est, selon le chanteur Hassan Ahriss, très visible dans le comportement de la télévision algérienne qui «excelle dans la diffusion de la chanson légère ne véhiculant aucun message et ne reflétant aucun élément de la réalité sociale». Ahriss a signalé qu'il a, plusieurs fois, été enregistré par la télévision, «mais comme il s'agit de chansons engagées elles n'ont jamais été diffusées». Il faut rappeler que la chanson engagée a particulièrement joué un rôle déterminant dans la conscientisation des citoyens de Kabylie sous l'ère du parti unique. Par ailleurs, le complot auquel font allusion ces artistes, a été dénoncé par le parti d'Aït Ahmed il y a de cela une année, mais sous une autre approche politique selon laquelle les ârchs sont une création des services. Il reste que les jours à venir seront riches en événements puisque le mur du silence est désormais brisé.