Ce voyage a été annoncé, hier, au moment où huit dirigeants européens appellaient à soutenir Bush qui menace d'attaquer l'Irak. Le Président de la République se rendra, le 5 février, à Paris sur invitation du chef de l'Etat français, Jacques Chirac. Outre l'évaluation du développement des relations de coopération entre la France et l'Algérie, les deux chefs d'Etat examineront surtout l'évolution de la situation au Proche-Orient, en particulier l'Irak, en relation avec les efforts déployés par la communauté internationale en vue de favoriser une issue pacifique à la crise. Ce déplacement a été annoncé, hier, au moment où huit dirigeants européens appellent à soutenir Bush qui menace d'attaquer l'Irak sans l'assentiment de l'ONU, tandis que Allemands et Français sont voués aux gémonies par la Maison-Blanche et ce, depuis leur sortie pacifiste. En outre, le choix de la date de cette visite est, à lui seul, éloquent, puisque mercredi 5 février, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a annoncé qu'il présenterait, à l'ONU, des preuves que l'Irak détient toujours des armes de destruction massive. Mais également, l'annonce du chef du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, d'expliquer devant le Congrès des députés, la position espagnole dans la crise irakienne sur demande de l'opposition. La visite annoncée du Président Bouteflika en France sera précédée de plusieurs autres dans les capitales arabes et africaines, sachant que les pays arabes menacent de se retirer de l'alliance avec les USA si ces derniers attaquent l'Irak sans l'assentiment des Nations unies. Un périple qui lui permettra de glaner toutes les données, en vue de trancher dans un dilemme qui assombrit le ciel déjà lourd des relations entre la «Vieille Europe» selon l'expression de Rumsfeld et le Nouveau monde: l'Amérique. Il faut également retenir que ce voyage en France était pressenti par nombre d'observateurs de la presse nationale et internationale qui misaient, à juste titre, sur l'examen du dossier irakien avec le chef de l'Etat français. Bouteflika est vu par les milieux journalistiques comme étant un «joker» de dernière minute pour désamorcer les foudres de la guerre, annoncée comme inéluctable. Les efforts de l'Algérie viendraient alors soutenir ceux du Caire, dans la mesure où notre pays entretient de très bons rapports avec l'Irak, et ne cesse de réclamer la stricte application de la légalité internationale pour tous les Etats du monde. Pour rappel, huit dirigeants des pays et des candidats à l'Union européenne viennent de signer dans un texte commun, publié par plusieurs journaux d'Europe, leur allégeance aux faucons de la Maison-Blanche. Ils désavouent implicitement Paris et Berlin, mettant ainsi en cause la ligne de confrontation, suivie par la France et l'Allemagne, qui pourtant, assurent la présidence au Conseil de sécurité de l'ONU. En somme, la France, qui accueillera le Président algérien le 5 février, demeure un «grand» de l'ONU. Tout comme l'Allemagne, elle est la première à avoir bravé les desseins belliqueux de l'Amérique. Par son geste, elle donne une chance historique à l'ONU. Mais un risque subsiste à trop vouloir dompter l'Amérique: elle pourrait l'enrager assez pour qu'elle rompe ses liens avec le système de l'ONU et réduise ainsi à néant sa crédibilité. A l'inverse, trop la flatter aboutirait, dans l'alchimie obscure des négociations, à légitimer une guerre «impériale». Bouteflika, par sa visite dans l'Hexagone, aura-t-il pour mission de sauver l'ONU?