A force de jouer avec le feu, on finit inéluctablement par se brûler les doigts. Saddam Hussein aurait dû faire sien cet adage dès son accession au pouvoir pour remplacer son cousin général Hassan El-Bakr à la fin des années 70. Le destin ne s'est certainement pas fourvoyé dans son casting en lui attribuant un rôle sur mesure et dont il a admirablement le profil, celui d'un sanguinaire doublé d'un tyran, authentique produit que ne peut mettre au monde que cet Irak, éternel tourmenté, depuis Babylone au règne du redoutable sanguinaire, Youssef El-Hadjadj. Qui règne par l'épée, périra par l'épée. La planète entière est en train d'assister in live à cette mise à mort prochaine du geôlier de trente millions d'Irakiens et dont le quotidien est fait, depuis plus de vingt ans, de sang, de sueur et de larmes. Même si l'on ne devrait pas pleurer un dictateur, l'Histoire récente nous prouve que les peuples eux-mêmes n'échappent pas au syndrome de Stockholm, celui qui veut que l'on s'apitoie et que l'on se prenne d'une soudaine affection pour son geôlier d'hier. Qui pleurera demain Saddam lorsque sa dépouille sera exposée aux caméras du monde entier? A l'exception de quelques Tikritis, parents et alliés de sa ville natale, le maître de Bagdad n'échappera pas au jugement de l'Histoire comme le furent Hitler, Staline, le caudillo Franco ou le duce Mussolini. Quelques pelletées de terre ne finiront pas par ensevelir à jamais le mauvais souvenir d'un potentat mégalomaniaque dont le seul leitmotiv était de soumettre les pays de la région à sa seule puissance hégémonique. Sa guerre contre l'Iran ou son invasion du Koweït sont bien là pour attester de ses désirs effrénés de conquêtes territoriales faites à coups de milliards de dollars et par le sacrifice de centaines, de milliers d'Irakiens réduits, pour la circonstance, en vulgaire chair à canon. Dieu! Si toute cette manne financière et toutes ces vies humaines avaient été mises au service exclusif de nobles objectifs pacifiques de développement ou du bien-être de son peuple, l'Irak serait devenu, aujourd'hui, l'eldorado du monde arabe ou le dragon économique à fort taux de croissance du Moyen-Orient. Cela sans compter le fait que dans son rêve le plus fou de lebensraüm, cette théorie nazie consacrée à la conquête de l'espace vital, il n'a pas laissé une once de place aux libertés individuelles dans un pays réputé pour avoir été le berceau de la civilisation humaine. Il se trompe s'il pense que les marines américains viendront s'échouer sur les murs de Bagdad, comme le furent jadis les Mongols. Autres temps, autres moeurs. Quelle facture le peuple irakien, aujourd'hui presque en décrépitude, va-t-il payer encore cette fois-ci en vies humaines et en sacrifices? Et quelles séquelles, cette terrible tragédie laissera-t-elle dans la conscience collective arabe, sérieusement traumatisée par les brimades, les humiliations et les frustrations qu'ont induites les débâcles successives et les déprimes historiques? Dieu, faites encore que les peuples arabes brisent leurs chaînes de soumission et se libèrent de l'emprise maléfique de leurs dictateurs et que ces derniers comprennent enfin que l'on ne règne pas pour tyranniser les peuples, mais bien pour construire leur avenir. A la tête de 22 Etats arabes, à l'exception peut-être du Liban, ne règnent encore que des dictateurs à l'aube de ce troisième millénaire. Voilà le constat effarant que l'on est en droit d'établir aujourd'hui. Il est macabre. Insoutenable. Que la libération du citoyen arabe vienne donc vite même si cela se fait au prix d'une pluie de bombes larguées par des F16 sous les ordres d'un président américain, jamais aussi grisé par son arrogance, foulant aux pieds les principes et les valeurs morales de l'ONU et dont le nom, lui aussi, plaise à Dieu, ne puisse s'inscrire un jour au Panthéon de l'Histoire pour sa bêtise humaine.