L'ex-président irakien a été pendu samedi à 7 heures locales, jour de la célébration de l'Aïd El Adha. La veille de l'exécution de Saddam Hussein, le Premier ministre, chiite, Nouri Al Maliki, jubilatoire, a déclaré que la sentence concernant l'ancien dictateur sera «appliquée sans délai». De fait, 55 jours après sa condamnation à mort par pendaison par le Haut tribunal pénal irakien (Htpi), quatre jours après le rejet par la cour d'appel irakienne du recours introduit par la défense de l'ex-homme fort de l'Irak, Saddam Hussein est exécuté à 7h du matin (4h GMT) le samedi 30 décembre 2006, correspondant au 10 Dhou El Hidja 1427, jour de la célébration de l'Aïd El Adha, jour sacré pour les Musulmans L'application de la peine capitale n'a pas touché ses deux cocondamnés à mort, son demi-frère, Barzan Al Takriti, et le juge du tribunal révolutionnaire Awad Al Bandar. Maintenant la question qui se pose est de savoir pourquoi cette précipitation dans l'application de la peine alors que le gouvernement irakien avait devant lui trente jours pour réaliser la sentence comme le stipule les statuts du Htpi? Et pourquoi appliquer cette peine le jour de l'Aïd El Adha, où la coutume veut que le sang des êtres humains ne coule pas ce jour sacré? De fait, on n'aurait pas mieux choisi dans le contexte qui est celui de l'Irak pour faire de Saddam Hussein un martyr alors que rien n'explique cette précipitation des autorités de Baghdad à appliquer la sentence. Au total, Saddam Hussein Al Madjid Al Takriti aura été mal jugé dans une mascarade de procès où la justice a été la grande absente et mal exécuté dans une précipitation qui fait de l'ancien dictateur un martyr, voire une victime, ce qui n'honore pas des gouvernants qui disent, par ailleurs, vouloir rendre à la justice un visage humain En fait, l'exécution de Saddam Hussein pose plus d'interrogations qu'elle n'apporte de réponses, elle ouvre aussi et surtout, les portes sur l'inconnu, un inconnu dont personne ne pourra dire de quoi il sera fait. C'est sans doute le sentiment général qu'exprime le Vatican qui, réagissant à la pendaison de Saddam Hussein, a estimé que c'est là une «nouvelle tragique» pour l'Irak alors que la Maison-Blanche s'en est félicité, indiquant que cette exécution ouvre une «étape importante» vers la «démocratie» (en Irak) On ne voit pas en quoi une exécution barbare et sans état d'âme puisse être «importante» ou qu'elle puisse générer la «démocratie» dans un pays déstructuré et en pleine guerre civile (entre samedi, jour de l'exécution de Saddam et dimanche, jour de son enterrement, plus de 140 Irakiens ont été tués dans divers attentats à Baghdad et à Koufa notamment). En réalité, l'exécution de Saddam Hussein a été une réaction atavique du «sang pour le sang» une basse vengeance qui met les exécuteurs de Saddam Hussein au même niveau de cruauté qui a été celui de l'ex-président irakien qui n'a eu ni clémence ni pitié pour son peuple. Saddam Hussein est loin d'avoir été un enfant de choeur, lui qui commença, à son avènement au pouvoir, a faire le vide autour de lui en décapitant la «tête» du parti baâs et en exécutant les principaux dirigeants du régime qui pouvaient lui faire de l'ombre ou se révéler des rivaux en puissance. De fait, le parcours politique de Saddam Hussein a été jalonné de sang, le sang de ses amis politiques d'abord, celui de son peuple ensuite, de ses opposants politiques irakiens enfin et les carnages de la guerre Irak-Iran (1980-1988) pour finir. C'est dire que l'ex-président irakien avait un pedigree très chargé, mais cela n'est nullement une raison pour assouvir le sang par le sang, surtout un jour de clémence et de pardon qu'est l'Aïd Al Adha. Les autorités irakiennes ont, a contrario, fait tout faux et ont raté dès lors les effets qu'ils pouvaient escompter d'une exécution si celle-ci avait répondu aux normes de justice et en respectant les conditions que nécessitait une telle application de la peine capitale. Certes, on peut comprendre le sentiment des Kurdes, dont on estime le nombre des victimes du génocide d'Anfal à quelque 180.0000 personnes, des chiites qui, de même, ont compté des milliers de victimes du fait de la dictature du régime de Saddam Hussein. Mais fallait-il pour autant appliquer la sentence avec une précipitation que rien ne justifiait et surtout un jour sacré pour un milliard de musulmans éclaboussés par le sang de Saddam Hussein? Au moment où l'Irak est déchiré par les guerres confessionnelles, était-il judicieux d'ajouter à son malheur et donner des raisons aux plus extrémistes des Irakiens, comme à la communauté sunnite dont est issu Saddam Hussein, de persister dans le refus et la violence? Cette exécution qui, en fait ne résout pas les problèmes de l'Irak, ne serait-elle pas à terme suicidaire pour l'Irak? Le pays entre en fait dans l'inconnu, tout devenant possible, aussi bien le retour à la sérénité, ce qui serait en réalité miraculeux, que le fait que les communautés irakiennes s'arc-boutent sur des positions irréconciliables, mettant davantage en danger l'unité de l'Irak, d'autant plus que le Kurdistan autonome s'est de plus en plus détaché de l'ensemble irakien ces derniers mois, en décidant d'instaurer ses propres emblème et hymne nationaux en lieu et place du drapeau et de l'hymne national irakiens et au moment où les chiites ne cachent plus leur velléité de créer leur propre région autonome. C'est dire que plus que jamais l'Irak est au bord d'une partition que l'exécution de Saddam Hussein risque de rendre irréversible. Aussi, les jours et semaines à venir s'annoncent difficiles pour l'Irak. Notons, par ailleurs, que la mort de Saddam Hussein éteint toutes les poursuites engagées contre lui, notamment dans le procès d'Anfal ouvert le 19 octobre 2006, dont les audiences se sont poursuivies, jusqu'à l'annonce du verdict, le 5 novembre, du jugement dans l'affaire de Doujail pour le meurtre de 148 villageois chiites en 1982. Toutefois, le procès d'Anfal dans lequel comparaissent six de ses coaccusés, dont son cousin Hassan Al Madjid, dit «Ali le Chimique», se poursuivra.