Au moment où les spéculations vont bon train sur son sort, suite à son absence depuis quelques jours seulement de l'écran de la télévision irakienne, Saddam Hussein appelle au djihad contre les envahisseurs de son pays. Après la diffusion de son discours avant-hier, lu par son ministre de l'Information, Mohamed Saïd Essahhaf, le président irakien intrigue encore plus les responsables américains et britanniques. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Ari Fleischer, trouve que la disparition médiatique de Saddam “soulève des questions intéressantes”, même s'il ignorait “si celui-ci était mort ou vivant”, et son homologue de Downing Street est allé, quant à lui, plus loin en soulignant que “la non-apparition du président irakien suscite des questions sur ses précédentes allocutions télévisées”. En fait, c'est depuis janvier 2001 que l'homme fort de Bagdad n'a pas été vu en public. Et ce n'est pas la première fois que ses discours sont prononcés par d'autres dirigeants irakiens. Son absence n'explique, en effet, ni la rumeur qui le donne pour mort suite à une embolie cérébrale, ni celle qui laisse entendre qu'il serait décédé, lors de la première attaque contre la capitale de l'antique Mésopotamie. Saddam, qui aura 68 ans le 28 avril prochain, a, selon la télévision irakienne, présidé, hier, une réunion avec ses collaborateurs, mais sans montrer, cette fois-ci, une image de la rencontre. Si ce sont ses ministres qui rendent compte, depuis quelques jours, de la situation sur le front et adressent des appels en son nom à la population irakienne, cela ne veut point signifier que l'homme qui constitue la première cible de l'Administration Bush n'est plus de ce monde. En fait, même les personnes appartenant à son entourage connaissent peu sur ses mouvements. Ce qui fait croire, aujourd'hui, que toute l'agitation médiatique qui entoure son sort n'a rien d'innocent. Les responsables des forces américano-britanniques semblent tellement déroutés qu'ils cherchent à disqualifier, d'ores et déjà, le régime de Bagdad en mettant en doute ses capacités, qu'il a d'ailleurs montrées dès le début de l'agression, de continuer à diriger ses forces armées. L'intox des alliés est, en effet, sciemment distillée, pour saper le moral des Irakiens au premier jour de la bataille autour des grandes villes ou, du moins, provoquer Saddam Hussein dont ils ont perdu la trace, en l'incitant à réapparaître sur les écrans de télévision. La stratégie américaine est tellement claire que le feed-back attendu n'a pas eu lieu. Les responsables militaires irakiens, qui semblent avoir compris le jeu de leurs adversaires, se sont abstenus, cette fois-ci, contrairement au début de la guerre, de montrer les images de leur leader même s'ils ont toujours tenté de prouver à leur opinion d'abord, puis à l'opinion internationale qu'ils maîtrisent encore la situation. Mohamed Saïd Essahhaf ne le répétera jamais assez, Saddam continue à contrôler son pays et appelle même ses concitoyens au djihad. Un architecte allemand affirme lui avoir conçu un bunker de luxe situé sous le palais présidentiel, capable de résister à des températures de 300 degrés, grâce à des murs d'une épaisseur de trois mètres. Selon lui, le blockhaus résiste également à toute sorte de choc, excepté à une frappe directe d'une bombe atomique de la taille de celle qui a dévasté Hiroshima en 1945. S. R.