la Syrie vient de prendre officiellement position en faveur de l'Irak alors que l'Iran semble être sur la même voie. La guerre des mots que se livrent, depuis quelques jours, Syriens et Américains a connu un inhabituel pic de tension hier avec le souhait, vertement affiché par le chef de la diplomatie syrienne, de voir les forces américano-britanniques battues en Irak et l'affirmation que Damas a choisi le camp irakien. «L'intérêt de la Syrie est de voir les envahisseurs défaits en Irak. Le gouvernement américain a conduit le peuple américain à la catastrophe en le mettant en confrontation avec la communauté internationale entière», a, en effet, déclaré Farouk al-Chareh, cité par le quotidien officiel Al-Baas. Le ministre syrien, qui a tenu ces propos virulents devant le Parlement, n'a pas hésité à qualifier la guerre livrée contre l'Irak d'«occupation étrangère d'un pays arabe». Cette nouvelle position de la Syrie trouve son explication dans les attaques directes exécutées par les Anglais et les Américains contre les responsables et simples militants du parti Baâs irakien. La Syrie, qui en est l'inspiratrice et la fondatrice, a dû comprendre que cette guerre vise, entre autres, l'éradication du panarabisme tel que prôné par le mouvement Baâs et que le tour de Damas suivra donc automatiquement celui de Bagdad dans la nouvelle cartographie régionale que se proposent de mettre en place les Américains. Ceci expliquant cela, les Syriens comprennent aussi pourquoi les Américains les ont accusés d'avoir livré des jumelles de visée nocturne à l'armée irakienne. Ce matériel, même s'il a réellement traversé les frontières, représente une «arme» défensive en premier lieu, ne pouvant donc pas déclencher un pareil courroux de la part des Américains, armée et politiques confondus. La cerise sur le gâteau est venue hier de la part d'Israël qui accuse la Syrie d'avoir caché dans son territoire certaines armes de destruction massive appartenant à l'armée de Saddam. Trop de coïncidences d'attaques en si peu de temps ne peuvent aucunement être le fruit du hasard. Un élargissement du front en direction de la Syrie et plus tard, de l'Iran et peut-être même de l'Arabie Saoudite, n'est plus une simple vue de l'esprit désormais. A la guerre des mots succédera tôt ou tard le bruit des bombes et des missiles de croisière. La Syrie, qui sait n'avoir plus rien à perdre, a littéralement déclaré la guerre hier aux troupes coalisées, décrétées par Damas «forces d'occupation». Réaction logique, s'il en est, à la suite de la sortie, dimanche soir, du secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, qui avait sommé Damas de s'abstenir de soutenir l'Irak. «La Syrie peut continuer à soutenir directement les groupes terroristes et le régime à l'agonie de Saddam Hussein ou elle peut s'engager sur une voie différente et plus porteuse d'espoir», avait indiqué M.Powell la veille devant un influent groupe de pression pro-israélien auprès du Congrès américain, le Comité des affaires publiques israélo-américain (Aipac). «La Syrie a choisi de se placer aux côtés du peuple irakien frère qui fait face à une invasion illégale et injustifiée et contre lequel sont commises toutes sortes de crimes contre l'humanité», a réagi le lendemain un porte-parole du ministère des Affaires étrangères syrien. «La Syrie a choisi d'être avec la légalité internationale (...) et avec le consensus international qui a dit non à l'agression sur l'Irak», a ajouté la même source. La veille, fait sans précédent, le mufti de Syrie, plus haut dignitaire religieux musulman du pays, avait appelé les musulmans à lancer des «opérations martyres» contre les «envahisseurs» américains en Irak. Al-Jazira, pour sa part, rapporte que des volontaires syriens sont déjà arrivés à Mossoul, dans le nord de l'Irak, pour combattre la coalition américano-britannique. Elle a montré des images de ces volontaires, arrivés en territoire irakien sans passer par les points de passage frontaliers. Aux yeux de nombreux observateurs, cette sortie est assimilable à une véritable déclaration de guerre. Jusqu'à l'heure où nous mettions sous presse hier, les Américains n'avaient toujours pas réagi. La tournée que Powel compte effectuer aujourd'hui à Bruxelles et Ankara lui offrirait une occasion d'exprimer la position de Washington par rapport à cette nouvelle et grave escalade.