Emboîtant le pas aux Américains, le responsable israélien a littéralement déclaré la guerre, hier, à Damas. Les événements continuent d'aller en se précipitant dans la région du Golfe depuis la chute rapide et inattendue du régime de Bagdad. Comme le disent certains analystes amateurs de bons mots, «l'appétit vient en guerroyant». Ainsi, les Etats-Unis commençaient hier à organiser le retour de porte-avions et de matériels pour alléger leur dispositif militaire dans la région, après avoir annoncé que les grandes opérations militaires en Irak étaient terminées. Dans le même temps, les Etats-Unis se sont tournés vers la Syrie. Ils lui reprochent notamment, de posséder des armes chimiques et de faciliter la fuite de responsables irakiens. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Ari Fleischer, a qualifié la Syrie d'«Etat terroriste» et le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a accusé Damas d'avoir effectué des essais d'armes chimiques «au cours des 12 et 15 derniers mois». Responsables américains et britanniques ont également accusé Damas d'avoir coopéré avec Saddam Hussein et d'avoir accordé «l'asile» à des hommes de son régime en fuite. Damas a violemment rejeté ces accusations et a invité les inspecteurs en désarmement de l'ONU à se rendre en Syrie. Comme un malheur ne vient jamais seul, l'ancien chef des inspecteurs en désarmement de l'ONU, Richard Butler s'est joint à la curée générale en se disant, hier, d'accord avec les affirmations américaines que la Syrie avait aidé l'Irak à camoufler des armes de destruction massive, affirmant en avoir obtenu des preuves. L'ancien diplomate australien a indiqué avoir vu des documents en ce sens des services de renseignement, alors qu'il dirigeait les inspecteurs des Nations unies en Irak de 1997 à 1999. «On m'a montré des informations des services de renseignement, des images aériennes entre autres, montrant que les Irakiens avaient déménagé des conteneurs de l'autre côté de la frontière syrienne», a-t-il déclaré à la radio ABC. «Nous avions des raisons de penser qu'il s'agissait de conteneurs d'armes chimiques et peut-être d'autres armes», a-t-il ajouté. «Je ne crois pas que les Irakiens voulaient les donner à la Syrie. Je pense qu'ils voulaient juste les faire sortir du territoire, hors de portée de nos inspections. La Syrie était prête à en assurer la garde», a-t-il estimé. Ce sont là les préludes qui avaient accompagné le début de la guerre contre l'Irak. A ceci près que les Américains admettent que Bachar Al-Assad est «plus pragmatique que Saddam» et qu'il «se pliera aux exigences américaines sans qu'il soit besoin de recourir à l'usage de la force». Mais, Israël ne l'entend pas de cette oreille. Depuis que Londres a reconnu officiellement devant la communauté européenne que Saddam a été renversé pour éloigner une menace imminente sur ce pays, Sharon ne se gêne plus pour pérorer et brandir des menaces militaires directes sous la protection rapprochée des troupes américaines stationnées en nombre effrayant dans le Golfe. Le Premier ministre israélien Ariel Sharon a, en effet, déclaré au quotidien Yédiot Ahronot que le président syrien «Bachar al-Assad est dangereux, car il est susceptible de commettre la même erreur concernant le rapport de force avec Israël qu'il l'a fait à propos des Américains et il dispose d'une force qui obéit à ses ordres: le Hezbollah». Il a ouvertement menacé la Syrie en déclarant avoir les moyens de détruire ce pays si le besoin s'en faisait sentir. Loin d'être dupe de ces manoeuvres, Téhéran a indiqué le même jour qu'une action américaine contre la Syrie sera le prélude à une action contre l'Iran, par la voix de Mohsen Rezaïe, secrétaire du Conseil de discernement, plus haute instance d'arbitrage du régime iranien. Damas, de son côté, qui sait n'avoir personne sur qui compter, s'est, une nouvelle fois, contentée de démentir et de dénoncer en bloc l'ensemble de ces accusations au moment où la presse du monde entier se met à parler d'un imminent élargissement du conflit du Golfe vers les frontières syriennes.