Le sort de l'Irak semble scellé à Belfast, malgré quelques divergences sur le rôle de l'ONU. Nul doute que la rencontre de Belfast a scellé, une fois pour toutes, le sort de l'Irak. Bush et Blair ont, avant tout, saisi l'occasion de rappeler que les opérations militaires en Irak se déroulaient «exceptionnellement bien» et «touchaient à leur fin». La prise de Bagdad n'est qu'une question d'heures et la fin du régime de Saddam ne pose guère de problèmes. Dans l'optique des coalisés, la reconstruction de l'Irak doit se faire au plus vite, afin de calmer les esprits des Irakiens qui voient d'un mauvais oeil l'installation prolongée des Occidentaux. Mais, remplacer un régime dictatorial par un impérialisme américano-britannique risque d'engendrer un certain malaise, au pire celui d'arriver à des attentats-suicide. La réunion de Belfast est, dans ce cadre, un pas en avant pour apaiser les esprits et trouver les moyens adéquats pour arriver à éloigner toutes les susceptibilités, quant au concours de l'organisation universelle à la reconstruction du pays. Là, apparaît le rôle de Tony Blair, comme «courroie de transmission» entre les USA d'une part et les pays européens de l'autre. Ces derniers, on le sait, avaient décrié le recours à la force sans l'aval d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité et condamnent les coalisés pour avoir «piétiné» la loi impérative qui relève du «jusqu'au guns». Le fossé s'est agrandi et la fin de la guerre risque d'engendrer une certaine froideur dans les relations internationales. Pour le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, lui-même, mis à l'écart par le secrétariat à la défense US, «il n'y a pas de débat et de désaccord aussi important...». Ce point de vue rejoint celui défendu par le porte-parole britannique selon lequel «le but des trois parties concernées est le même. C'est celui d'un Irak qui ne sera pas dirigé par nous, par les Américains ou les Nations unies, mais par les Irakiens aussi vite que possible». Mais, la réunion de Belfast n'a justement pas déterminé, ni cerné le rôle qui sera dévolu à l'ONU. On lui a attribué un rôle flou qui n'est autre que son implication dans la mise en place d'une autorité intérimaire en Irak. Pour Colin Powell, des équipes d'experts américains seront en Irak, dès cette semaine «pour y poser les jalons de l'administration provisoire qui sera mise en place dans l'attente d'élections pour désigner un gouvernement permanent». Ainsi, les Américains ne démordent pas de la ligne tracée, dès le début du conflit. L'ami de Bush, le général en retraite Jay Garner est tout désigné pour diriger les opérations de reconstruction de l'Irak qui sera organisée par «l'Office pour la reconstruction et l'aide humanitaire» (Orha). Washington vient par là, mettre un terme à toutes les spéculations ravivées par la France et l'Allemagne quant au rôle de l'ONU dans l'administration de l'Irak après la chute de Saddam Hussein. L'argument avancé par les coalisés et qui réellement trouve sa justesse dans la logique du partage du «butin de guerre» est, selon le secrétaire d'Etat C. Powell, que «les Américains et les Anglais ont puisé dans leurs ressources, pris des risques politiques majeurs et sacrifié des vies» et donc doivent jouer un rôle dominant. Ajoutant que «tout le monde sait que depuis la déclaration des Açores, il y a environ deux semaines, qu'il y aura un rôle pour les Nations unies comme partenaire dans ce processus». Pour sa part, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, soucieux de préserver une certaine cohérence au sein de cette organisation et défendre le droit international, a prévenu que le «tout nouveau rôle des Nations unies en Irak nécessitera une nouvelle résolution du Conseil de sécurité», où siègent la Russie et la France. Toute la question est là. L'ONU ira-t-elle vers une nouvelle crise à cause du droit de veto? Les USA et à un degré moindre la Grande-Bretagne agiront-ils comme la première fois en investissant le territoire irakien? Mais, déjà, on peut avancer que les Américains suivront la ligne dure tracée par leur secrétariat d'Etat à la défense et que la politique n'aura qu'un rôle secondaire devant le militaire. Dans ce cadre, le Pentagone, soutenu par des groupes influents au Congrès, par le vice-président et par le Conseil national de sécurité, adopte une position idéologique («faucon»): «Ce changement devra marquer le début d'une ‘‘vague démocratique'', afin de transformer l'Irak en fer de lance de la démocratisation de la région, transformée en un relais libéral et proaméricain».