Le vieux lion de Gaza a finalement dû baisser pavillon et s'incliner devant les pressions américaines. Le bras de fer Abou Ammar-Abou Mazen qui a tourné à l'avantage de ce dernier, est surtout une victoire américaine qui laisse entière la question de savoir quelle sera, en réalité, l'autonomie de Mahmoud Abbas, Premier ministre palestinien désigné, par rapport à Israël et aux Etats-Unis. C'est même le noeud gordien des relations futures entre une Autorité palestinienne rénovée et «réformée» et ses principaux interlocuteurs israéliens et américains. Yasser Arafat a certes perdu son dernier combat, mais il aura été, en dépit de ses erreurs d'appréciation, celui qui avait chevillé au corps le devenir de son peuple, le droit pour ce dernier d'ériger son Etat indépendant. De fait, le point nodal des discussions entre Palestiniens et Israéliens a toujours achoppé sur la teneur de cet Etat, que les gouvernements israéliens successifs ont toujours voulu dépourvu d'attributs de souveraineté. C'est donc par rapport à la fermeté, sur la question de souveraineté, de Mahmoud Abbas qu'il sera possible de dire ce qui va changer dans les territoires palestiniens occupés. Cela est d'autant plus vrai que, pour Israël, la seule question qui mérite d'être étudiée et résolue est celle afférente à la sécurité de l'Etat hébreu. Singulièrement par le fait que Tel-Aviv exige que, dans l'éventualité de la création d'un Etat palestinien, les questions de sécurité de cet Etat relèvent d'Israël. Aux yeux de Washington, et bien évidemment d'Israël, Yasser Arafat, n'en faisait pas assez dans ce domaine et par conséquent s'est disqualifié. Il reste à savoir ce que M.Abbas, et le nouveau chargé des affaires de la sécurité, Mohamed Dahlane, probable ministre de l'Intérieur du cabinet Abbas - dont l'annonce est prévue, pour au plus tard, mardi prochain- pourront faire contre les actions des fedayine palestiniens (de fait comme pour saluer les changements annoncés dans les territoires occupés, les kamikazes palestiniens ont fait, hier, une opération au nord d'Israël qui a fait un mort, outre le kamikaze palestinien, et une douzaine de blessés). Il est patent qu'il ne suffit pas d'isoler les «durs» palestiniens - à cet effet, le président américain George W.Bush, a invité les responsables européens à «éviter de rencontrer Yasser Arafat», confirmant ainsi la quarantaine du président palestinien - pour croire le terrain déblayé pour une solution «israélienne» du contentieux proche-oriental. Le peuple palestinien, qui lutte pour son indépendance depuis plus d'un demi-siècle n'est pas près de renoncer à un Etat indépendant pour les «bantoustans» que Sharon veut lui imposer. Il ne fait pas de doute que la marge de manoeuvre du Premier ministre désigné, Mahmoud Abbas, reste très mince, d'autant plus qu'il n'a ni le charisme de Yasser Arafat, ni le soutien populaire dont bénéficie le vieux leader palestinien outre son crédit auprès de la résistance palestinienne. La confiance dont jouit Abou Mazen auprès des Etats-Unis et d'Israël risque, en l'occurrence, d'être insuffisante pour la défense des droits - tous les droits - des Palestiniens. En fait, la question qui reste à poser est celle-ci: Israël est-il prêt à cohabiter avec la Palestine? La «feuille de route» - dont Yasser Arafat a exigé hier la publication immédiate - que Washington promet de publier incessamment, sera-t-elle la panacée, la réponse attendue? Wait and see!