Mahmoud Abbas se trouve pris entre les pressions américaines et israéliennes et la détermination des islamistes palestiniens. Position on ne peut plus précaire et incertaine que celle du Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, appelé à jouer un rôle stratégique dans la mise en oeuvre du nouveau processus de paix connu sous le nom de «feuille de route». Mais, il semble dans le contexte précis de la crise proche-orientale qu'Abou Mazen se soit leurré sur ses forces, d'une part, pour parler sur un plan d'égalité avec ses interlocuteurs américains et israéliens, d'autre part, sur sa capacité, si ce n'est son entregent, de satisfaire les islamistes palestiniens hostiles à tout accord qui ne prend pas en compte les revendications d'un Etat palestinien indépendant doté de tous les attributs de la souveraineté. Un dilemme qui met en fait le chef du gouvernement de l'Autorité palestinienne entre l'enclume israélienne et le marteau des islamistes. En acceptant de chausser les bottes de Yasser Arafat, Abou Mazen ne semblait pas avoir mesuré les chausse-trappes auxquelles il devra faire face, ni ne se doutait qu'il s'engageait dans un challenge dans lequel il avait plus à perdre qu'à gagner. Un challenge qui risque aussi de mettre à mal une réputation de militance au long court bien établie, en compagnie du vieux lion de Ghaza Abou Ammar. Si Yasser Arafat est déclaré «caduc» par Sharon, c'est bien parce que le président palestinien a su ne pas céder sur aucun point engageant l'avenir de la Palestine et des Palestiniens, en luttant pied à pied avec les Israéliens et les Américains pour faire valoir les droits inaliénables du peuple palestinien à l'érection de son Etat. Quand en août 2000 il a été quasiment isolé à Camp David entre le président Clinton et le chef du gouvernement israélien Ehoud Barak, tous les analystes estimaient que Arafat allait céder. Le vieux président palestinien a tenu bon, gagnant une autorité morale incontestable parmi le peuple palestinien, y compris parmi ses adversaires islamistes et radicaux. La question donc était de savoir si le Premier ministre palestinien avait la force de caractère du président Arafat - sinon éliminé, du moins mis en marge - pour tenir face à l'assaut conjugué de Sharon et du président Bush? Or, il semble qu'une faille soit apparue à Aqaba, lors du sommet tripartite - Bush - Sharon - Abbas - lorsque Mahmoud Abbas n'a pas cru utile d'aborder avec ses interlocuteurs le problème crucial du retour des réfugiés palestiniens et la libération des prisonniers, donnant en revanche l'impression de leur donner des gages en abondant dans le sens voulu par les Israéliens et les Américains, allant jusqu'à utiliser le terme de «terrorisme» en parlant des actions kamikazes de la résistance palestinienne, et de «démilitarisation» de l'Intifada. D'aucuns ont alors considéré cette approche, inattendue, comme un faux pas de la part de celui censé défendre les droits des Palestiniens. Car, il semblait que George W.Bush et Ariel Sharon n'attendaient rien d'autre d'Abou Mazen qu'une lutte sans merci contre la résistance qu'ils assimilent à du terrorisme sans que les Israéliens, pour leur part, s'engagent de quelque manière que ce soit. En fait, Mahmoud Abbas a eu un défaut de fermeté face aux Américains et aux Israéliens, ce que lui reprochent en particulier les différents mouvements de résistance. Or, les Israéliens attendent du Premier ministre palestinien de l'action comme vient de l'affirmer le ministre israélien des Affaires étrangères, Sylvan Shalom qui déclare: «Le gouvernement d'Abou Mazen n'a pas encore pris la décision stratégique de démanteler les infrastructures terroristes. Si nous ne demeurons pas fermes sur cette question, il ne sera pas possible de voir aboutir le processus (cf. de la «feuille de route»).» De fait, les Israéliens n'ont fait aucune concession ni pris aucun engagement, si ce n'est celui du démantèlement, tout à fait bidon, des «colonies sauvages» - en majorité inhabitées. Ce qui reste de peu d'effet sur la réalité de l'occupation des territoires et ne remet pas en cause la présence israélienne en territoire palestinien, alors que les Israéliens n'ont jamais dit clairement leur intention de se retirer pour donner à la Palestine de naître. En fait, devant la détérioration de la situation, jouant aux pompiers, Mohamed Dahlane, le ministre palestinien délégué à la Sécurité, assure que l'urgence est de prévenir «une guerre civile» déclarant: «Nous tenterons, par tous les moyens, d'empêcher une scission palestinienne qui pourrait entraîner la guerre civile.» Les parrains américains n'ont pas compris que si les Palestiniens doivent faire des concessions, de même, les Israéliens doivent en faire aussi, mais ce n'est pas l'impression qu'ils donnent.