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Pas d'état de grâce pour Abou Mazen
PROCHE-ORIENT
Publié dans L'Expression le 03 - 05 - 2003

L'investiture de Mahmoud Abbas, Premier ministre, a entraîné plusieurs événements lors des quarante-huit dernières heures.
Attendue, comme la panacée, par les Etats-Unis et Israël, l'investiture de Mahmoud Abbas Abou Mazen, au poste de Premier ministre de l'Autorité palestinienne, devrait induire, selon Washington et Tel-Aviv, un climat plus propice au retour au processus de négociation israélo-palestinien. Cependant, à tout attendre d'un seul homme risque fort de fausser les données d'un problème autrement plus complexe que le fait de la seule sécurité de l'Etat hébreu. Or, en axant les débats sur cet unique aspect du contentieux proche-oriental, comme le fait Israël notamment, il est évident que la possibilité de faire chou blanc - une nouvelle fois - sur l'essentiel - c'est-à-dire la paix - est réelle. Israéliens et Américains demandent au chef du gouvernement palestinien, Abou Mazen, de mettre un terme à la violence et à l'arrêt de l'Intifada, ce que Israël, avec son impressionnante armada militaire, n'arrive pas, depuis deux ans, à obtenir. Or, les Israéliens ne proposent rien aux Palestiniens en contrepartie de la concession qui pourrait être mortelle pour la cause palestinienne : renoncer à la résistance armée. Les dirigeants israéliens ont toujours clamé leur opposition à l'érection d'un Etat palestinien. Pourtant, c'est en fait cela le fond du problème : que proposent les Etats-Unis, l'un des maîtres d'oeuvre du plan de paix sous l'égide du quartette ? En saurons-nous plus avec l'investiture d'Abou Mazen? De fait, la «feuille de route», qui prévoit la constitution d'un Etat palestinien d'ici à 2005, a été remise, mercredi, à Mahmoud Abbas par le représentant des Nations unies pour le Proche-Orient, Terje Roed-Larsen, qui était accompagné des représentants de l'Union européenne, de la Russie et des Etats-Unis. Ce qui, à tout le moins, devait signifier sa mise rapide à exécution. Cependant, les choses ne semblent pas aller dans le sens qu'espèrent les uns et les autres. Ainsi, une opération kamikaze à Tel-Aviv a occasionné, mercredi soir, la mort de trois Israéliens et plusieurs blessés. La réaction israélienne ne s'est pas fait attendre avec le raid héliporté meurtrier, organisé jeudi, sur Gaza par l'armée d'occupation israélienne qui s'est soldé par l'assassinat de quinze Palestiniens dont un enfant de deux ans. Cet acte barbare d'Israël a été commis le lendemain même de la remise de la feuille de route, Tel-Aviv ne laissant pas au nouveau cabinet palestinien le temps de seulement s'installer. De fait, ni les Israéliens ni le mouvement Hamas - qui refuse la démarche du nouveau Premier ministre palestinien consistant dans le retour à l'ordre et à la sécurité, par la prise d'un certain nombre de décisions dont notamment l'interdiction du port d'armes par les personnes non autorisées - ne veulent faire bénéficier Abou Mazen de l'état de grâce accordé généralement aux nouveaux responsables. L'attentat des kamikazes - des Britanniques d'origine arabe - de mercredi suivi par le raid des Israéliens jeudi, met le chef du cabinet palestinien entre l'enclume et le marteau. Cela au moment où Colin Powell, le chef de la diplomatie américaine se prépare à entamer une tournée au Proche-Orient. Réagissant aux événements des dernières heures, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, qui se trouvait à Madrid, jeudi, a déclaré: «Nous devons dépasser le cycle des attaques suicides et des représailles», indiquant: «Nous ne pouvons laisser ce genre d'incidents immédiatement menacer la feuille de route», estimant que «c'est le moment pour Abou Mazen (Premier ministre palestinien) et le Premier ministre (israélien) Ariel Sharon d'aller de l'avant avec l'aide des Etats-Unis et des autres membres de la communauté internationale, et de trouver un chemin vers la paix, même quand ils doivent faire face à des événements tragiques comme ceux que nous avons connus au cours des derniers jours». Reste maintenant à convaincre les Israéliens que la paix ne s'impose pas par la force mais se négocie entre les deux parties en cause. Les Israéliens comprendront-ils enfin que pour faire la paix il faut être deux? Il y a tout lieu d'en douter, d'autant qu'Israël est habitué à ne tenir aucun compte des avis de la communauté internationale, axant tous ses efforts sur sa supériorité militaire pour réduire la résistance palestinienne, sans pour autant aborder les problèmes de fond que sont le retrait de l'armée d'occupation israélienne des territoires palestiniens, le démantèlement des colonies de peuplement en Cisjordanie et à Gaza, la délimitation des frontières entre les deux pays. Autant de question sur lesquelles Tel-Aviv n'a jamais eu une position franche, Sharon excluant même le démantèlement des colonies ou la fixation du tracé frontalier. Colin Powell affirmait, jeudi à Madrid, qu'il «est temps pour les deux parties de mettre en application la feuille de route». Cette application peut-elle se faire si Israël n'est pas mis au pied du mur et face à ses responsabilités? Les Américains ont fait porter à Yasser Arafat la responsabilité du blocage du processus de paix, n'est-il pas temps d'en faire de même avec Ariel Sharon qui, depuis sa prise de fonction en février 2001, n'a fait aucun geste en direction de la paix ne serait-ce que pour dédramatiser la situation. Bien au contraire son irrédentisme a été la raison essentielle de la recrudescence de la violence dans les territoires occupés, Sharon ayant, en outre, officiellement enterré les accords de paix israélo-palestiniens d'Oslo. L'arrivée du secrétaire d'Etat américain dans la région du Proche-Orient à partir de la semaine prochaine, où il aura des discussions avec Ariel Sharon (le 9 mai) et Mahmoud Abbas (le 10 mai) devrait permettre de voir plus clair dans les tenants et aboutissants de la «feuille de route» et sans doute, de permettre une certaine décantation des choses par, notamment, le fait de faire endosser à chacun ses responsabilités.

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