Le nom du ministre de l'Intérieur reste indéniablement associé à la crise de Kabylie. Homme de confiance du Président pour les uns et bourreau de la région pour les autres, l'inamovible ministre d'Etat ne laisse décidément, personne indifférent. Dans la dialectique pouvoir-ârchs, Zerhouni a joué un rôle prépondérant. Naturellement, par le puissant portefeuille dont il s'occupe, il a hérité du lancinant dossier kabyle. Soufflant le chaud et le froid autour de cette tragédie continuelle, le patron de l'Intérieur a multiplié les déclarations jugées «intempestives, provocatrices et condescendantes» par les autres acteurs du drame kabyle.En effet, diabolisé à tort ou à raison, il n'est plus en odeur de sainteté dans la région depuis le 20 avril 2001 lorsqu'il avait traité Massinissa Guermah de «délinquant de 26 ans interpellé pour vol» avant de faire son mea culpa quelques jours plus tard en avouant qu'il «était mal informé» au sujet du lycéen. Aujourd'hui encore, les «sorties» de Zerhouni suscitent toujours les réactions les plus épidermiques de la part de la rue kabyle ainsi que celles virulentes des ârchs. Ainsi, la dernière déclaration du ministre de l'Intérieur sur les ondes de la chaîne III, le week-end dernier et dans laquelle il affirmait que «le mouvement s'effiloche, ses animateurs sont de moins en moins représentatifs et moins de gens les suivent maintenant», est différemment accueillie par les citoyens et les délégués de la région. A ce titre, Noureddine S., jeune avocat, n'hésite pas à relever «le caractère arrogant et provocateur du ministre», tout en lui déniant le droit de parler au nom de la population kabyle. «Certes, les gens sont aujourd'hui las, voire excédés, par les méthodes jusqu'au-boutistes du mouvement, mais je ne crois pas qu'ils soient prêts à marchander au rabais le sang des 123 martyrs», estime le jeune avocat. Beaucoup plus rationnel, Hamza, employé dans une banque privée, juge avec modération l'homme sur les faits. «Zerhouni n'a jamais joué le rôle de pompier dans la crise de Kabylie, au contraire il a assumé cyniquement celui de pyromane», avant de renchérir et de préciser que le tout-puissant ministre de Bouteflika «n'a jamais fait preuve d'un geste de bonne foi pour le règlement de la crise». Moins corrosif, Karim, étudiant en économie, même s'il ne partage pas les méthodes coercitives et musclées de Zerhouni, admet néanmoins que «parfois seul l'usage de la force publique dans le strict cadre de la loi peut constituer une solution à l'empêchement des actions décidées ou entérinées à l'emporte-pièce». Karim ajoute également que «le dialogue est une vertu des nations civilisées; dans l'impasse que vit actuellement la Kabylie, il s'avère l'unique alternative au pourrissement». Selon lui, «dialoguer n'est pas trahir, mais tenter de capitaliser et fructifier ces deux années de lutte». Du côté des ârchs, l'hostilité et l'aversion sont patentes à l'égard du ministre de l'Intérieur. Le nom de Zerhouni suffit à lui seul à provoquer une levée de boucliers. «Tout ce qu'annonce, déclare ou décide Zerhouni, ne nous concerne ni de près ni de loin. Pour nous, sa dernière déclaration ne diffère pas de ses précédentes. Elles sont puisées dans son ignorance de la situation», nous dira Khaled, délégué de Bouzguène, avant d'enchaîner: «La position du mouvement est claire. Pas de dialogue, pas de normalisation et pas d'élections sans la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur. Maintenant, si Zerhouni veut rééditer un simulacre de dialogue cette fois-ci avec les élus ou ceux qu'ils qualifient de personnalités ou de notables de la région, il sera le seul à en assumer les conséquences». Les mêmes propos, parfois plus véhéments ont été tenus par les représentants de la coordination communale de Tizi Ouzou, qui se gardent toutefois de «donner plus d'importance qu'elles ne méritent aux récurrentes sorties irréfléchies» de Noureddine Yazid Zerhouni.