Mouloud Hamrouche avait été qualifié de «mutant inachevé» par El Kadi Ihsane dans les colonnes d´un quotidien national en 2004, avant l´ouverture de la campagne présidentielle. Le journaliste expliquait que l´ancien chef du gouvernement avait été l´un des rares, sinon le seul enfant du sérail qui ait entrepris une réforme profonde du système, à partir de la présidence d´abord, pour la partie théorique, puis en tant que chef de l´Exécutif, pour la mise en oeuvre de ses idées. Puis après avoir été écarté du pouvoir, il était resté fidèle à ses principes, ne cautionnant jamais les déviations anti-démocratiques et les atteintes aux droits de l´homme sous quelque prétexte que ce soit. L´erreur de casting, expliquait toujours le même journaliste, venait du fait que Mouloud Hamrouche, peut-être parce que justement il est un enfant du sérail, n´a jamais fait le pas décisif de couper les amarres avec le système, puisqu´au lieu d´assumer son rôle d´opposant en allant à la rencontre des forces vives du pays, il s´est plutôt mis en réserve de la République, se complaisant dans un rôle attentiste. Ce qui explique sa «mutation inachevée». Par trois fois en effet, en 1995, 1999 et 2004, il a attendu d´être coopté par les décideurs (comprendre un club fermé de généraux) pour venir prendre en main les destinées du pays. En 1995, manque de pot : Liamine Zeroual, déjà en place en tant que président de l´Etat depuis la conférence de la concorde de janvier 1994, était le candidat tout désigné du pouvoir. A ce titre, Hamrouche, renonça à croiser le fer avec lui. En 1999, re-belote ! après avoir mené une campagne électorale tambour battant, sillonné le pays d´Est en Ouest et du Nord au Sud, réuni les 75.000 signatures, animé des centaines de meetings, il se retira à la veille du premier tour, convaincu que les «décideurs» avaient jeté leur dévolu sur l´oiseau rare, l´homme du consensus Abdelaziz Bouteflika. En 2004, il fut encore plus pédagogique en exposant les motifs qui l´ont amené à ne pas franchir le rubicon. Après avoir guerroyé au sein du groupe des Dix, pour amener l´armée à faire barrage à une troisième candidature du président candidat, il expliqua à l´Algérie médusée qu´à la suite de consultations avec ses relais, il était apparu que le jeu était verrouillé, du fait que l´armée avait été neutralisée au profit de groupes d´intérêts. Le grand problème de Hamrouche malgré toutes les qualités dont il est crédité, c´est de considérer qu´en dehors de l´armée point de salut, négligeant par là le travail d´opposant classique. Ses sorties calculées, faites au compte-gouttes, tous les cinq ans, ne lui permettent pas de déboucher sur une assise sociale durable et sur des relais au sein de la classe politique ou du mouvement associatif. C´est un travail de longue haleine, requérant des sacrifices et un travail en profondeur. Mais généralement, pour un coureur de fond, les résultats sont assez souvent intéressants. C´est à se demander si la dernière sortie médiatique de Mouloud Hamrouche en annonce d´autres ou bien c´est juste pour répondre à une invitation de la confédération des travailleurs des finances que préside M.Mahmoudi. parce que Mouloud Hamrouche, qui n´a pas fait le pas de créer son propre parti, et n´a peut-être plus de permanence où il peut recevoir les représentants des médias et de la société civile, est devant une quadrature du cercle. Même si une opposition crédible, critique et imaginative n´arrive pas à monter au pouvoir, elle sème des idées et fait des propositions qui sont en elles-mêmes porteuses d´avenir.