Ali Benflis est parti, congédié de son poste de Chef du gouvernement. C'est un fait intangible! Et cela ne résulte pas d'un glissement hors Constitution puisque le juriste accompli qu'est le secrétaire général du FLN a reconnu que son éviction relève du pouvoir que la Constitution confère au Président de la République. Le mal n'est donc pas dans la Constitution qu'il faudra un jour réviser, mais dans le fonctionnement de la démocratie en Algérie. On a parlé du caractère éphémère du poste de Chef du gouvernement, ce qui est vrai, doit-il dorénavant être mieux chevillé au corps de l'Exécutif pour éviter de convertir son occupant en bouc émissaire chaque fois que le pouvoir est interpellé par les vieux démons du passé? Certainement. Mais ce sujet n'est pas à l'ordre du jour. En attendant qu'on l'y introduise, des enseignements doivent être tirés de ce qui vient de se passer, pour pouvoir appréhender les vrais enjeux de l'élection présidentielle de 2004. Des enseignements qui intéressent tout le monde, même les politologues. A cet effet, stimulés, les esprits se sont mis au travail nous laissant imaginer que si l'année 2003 n'a pas encore rendu l'âme, elle ne nous révèle pas moins que la prochaine échéance électorale occupe d'ores et déjà toutes les consciences. La patience n'étant pas le propre des Algériens, tout le monde dans cette perspective s'est mis à anticiper donnant l'un (Bouteflika) l'autre (Benflis) gagnant alors que plusieurs mois nous séparent de la date du scrutin... De toutes ces spéculations on sait que les prédictions de café concert sont comme les sondages, elles induisent souvent en erreur leur propre auteur. Mieux vaut donc revenir à des données plus concrètes en posant une première question, à savoir quelles seront les conséquences de l'éviction de Ali Benflis sur la prochaine échéance électorale? Une première conséquence porte un témoignage qui fera probablement date dans les annales de la construction démocratique en Algérie et qui rappelle désormais que le FLN se prépare d'ores et déjà à tenir le congrès extraordinaire en vue de désigner son candidat à la présidentielle de 2004. Conséquence qui devrait mettre définitivement fin aux spéculations qui avaient accompagné tout au long de l'année 2002 les performances électorales du parti du FLN. Des spéculations où il était acquis qu'en dernier ressort, le candidat choisi ne serait autre que Abdelaziz Bouteflika pour qui d'ailleurs la rénovation du FLN «avait été intentionnellement réalisée». C'était malheureusement la première erreur d'appréciation qu'on aurait évité de commettre dans la mesure où, mis à part les politiquement aveugles, la majorité des observateurs avait compris que le FLN travaillait pour lui, et dont le programme a subi de profondes réformes grâce à la maîtrise des concepts et la vision dont Ali Benflis a fait preuve à la grande surprise de l'ensemble de la classe politique. De ces transformations inédites est née la nouvelle donne politique. Une nouvelle donne dont les enjeux gravitent comme des protons autour de la démocratie. La démocratie, pour laquelle il se dégage aujourd'hui un clivage qui place les conservateurs y compris ceux issus du FLN, dans l'opposition parce que, disent les observateurs, elle représente ce qu'il y a de pire parmi les obstacles opposables à la rente et à l'étouffement de la liberté d'expression. Or, il se trouve que c'est bien le FLN, revenant en force grâce à une moisson incommensurable de jeunes et de femmes, venue consolider ses rangs et lui prêter main forte pour lui permettre de repartir à l'assaut de la présidentielle et pouvoir conséquemment «imposer» des lois notamment sur la liberté d'expression bloquées jusqu'ici, selon M.Ali Benflis, et l'indépendance de la justice contre laquelle des lobbies inimaginables se sont ligués pour ne pas qu'elle puisse voir le jour. Ce sont là les enjeux du futur. Ils sont fondamentaux.