C´est fou, la galerie de portraits de réalisateurs que j´ai vu défiler devant mes yeux! Chacun son caractère, chacun sa formation, chacun son origine et chacun sa destinée. Dans un pays où la production n´a jamais été budgétisée, c´est-à-dire soumise à une planification financière du décideur tout a fonctionné dans l´improvisation, dans l´urgence, dans le souci de coller aux décisions politiques ou à celle d´honorer un programme qui n´a rien à voir avec le désir des spectateurs de voir sur l´écran des personnages auxquels ils voudraient bien s´identifier dans le meilleur comme dans le pire. Mais quels écrans! Une industrie cinématographique doit disposer avant tout, d´un circuit de distribution, c´est-à-dire en premier, de salles qui puissent accueillir en priorité ceux qui ne peuvent se payer d´autres loisirs, ensuite les amoureux du septième art et enfin les amoureux SDF qui n´ont d´autre abri pour leur idylle balbutiante que la complicité des salles obscures. Où sont passées donc les 350 salles héritées de l´infâme colonialisme, qui leur a donné des noms ronflants, des fauteuils rouges et des rideaux cramoisis. Où est passé le rituel suranné de l´ouvreuse qui guide d´un pas assuré des spectateurs égarés, la musique qui jouait en sourdine avant que ne s´éteignent les feux de la rampe? Les Actualités vieilles d´une semaine paraissaient toujours fraîches car la télévision n´avait pas encore envahi les foyers. Les spots publicitaires diffusés lors du passage de l´ouvreuse qui vendait des esquimaux pendant l´entracte à des spectateurs fauchés, donnaient rendez-vous aux amateurs, à la rue Auber. C´était Afric-films. Puis un jour, les cinémas ont été confiés à des gens qui n´avaient rien à voir ni de près ni de loin, avec le cinéma. Le cinéma itinérant recréé par René Vautier donnait une autre dimension aux projections en plein air. C´était l´époque des premiers films produits par les pays socialistes. D´abord, la défunte Urss avec ses films héroïques où la boue et la neige étaient les décors naturels des films de guerre ou «révolutionnaires». Les films d´Einstein, du Cuirassé Potemkine à Ivan le terrible, La Ballade du soldat de Grigouri Tchoukhraï, le 41e sont devenus des familiers des Algériens. Les films américains produits par les réalisateurs victimes du maccarthysme comme Le Sel de la terre ou Le train sifflera 3 fois hanteront longtemps l´imaginaire des masses. La distribution finançait la production. Puis un jour, «le professeur Numbus» est arrivé, il a restructuré l´Oncic, privant ainsi la production de ses sources, milita ardemment pour la «restitution» des salles de cinéma au secteur privé qui en fit des usines à sandwichs frites-merguez, où des bandes magnétoscopes douteuses supplantèrent le film. Devant la dégradation des choses, «le professeur Nimbus» s´est aperçu que le cinéma algérien était orphelin: ses parents ayant été assassinés par les mauvais gestionnaires.