Maître Zeraya a-t-il juré de gagner ce procès où de nombreuses zones d´ombre persistent pourtant? Arrivé dans son «TGV», i-e ses jambes plus solides que jamais, laissant faire ses larges épaules enfouies dans une très belle veste comme seuls les Sétifiens savent en porter, surveillant ses arrières dans la salle des «pas perdus», Maître Zeraya était dans un état de vigilance. Top! Vigilant, car son très jeune client avait écopé d´une rude peine et ce, par-devant la magistrate du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d´Alger), une magistrate qui n´a qu´un seul défaut: elle obéit aveuglement à la loi sans état d´âme, sans penser un seul instant à une quelconque pression d´où qu´elle émane. Ce jeune Abdelmadjid L., un peu plus de la vingtaine, avait joué de malchance, car comme le dira plus tard son bouillonnant avocate face au trio de juges de la quatrième chambre pénale d´Alger, on avait et on, c´est la police, dressé son portrait-robot: un terroriste! avait lancé le défenseur. Un portrait-robot oui, mais selon la défense qui le criera plus de cinq fois, la victime a dû rêver, car toute la description faite sur le procès-verbal n´avait rien à voir avec le détenu, élégamment vêtu et surtout confus que sa famille soit dans la salle d´audience pleine à craquer et écoute les concepts, tous les concepts du vol, outre la confirmation par cet ombrageux procureur général, Mohammed Yahiaoui, esclave de l´indivisibilité du parquet qui avait bien suivi ce dossier, donc restait de...marbre. Maître Zeraya a crié sa douleur devant Boualem Bekri, le président de la quatrième chambre correctionnelle d´Alger, pour convaincre le trio de juges que le portrait-robot effectué par les policiers est la seule preuve de l´innocence de son jeune client. «Un portrait-robot?», pense haut le juge. Quand bien même portrait-robot il y avait: on a parlé d´un brun et le prévenu est blanc de peau. De plus, il a une cicatrice sur le visage que personne ne peut oublier de sitôt, que l´on rencontre ce jeune condamné pour vol à une lourde peine de prison ferme. «Même la victime n´a pas vu le voleur à l´arrachée», a ajouté l´avocat, membre du conseil de l´Ordre qui n´a pas pu abréger sa percutante intervention dans laquelle il a acculé les Tayeb Hellali, Bekri et Abdenour Amrani, à mieux revoir ce dossier plein de zones d´ombre et d´interrogations. Voire. Mais il y a ces 18 mois de prison ferme infligés par le tribunal de Bir Mourad Raïs, une juridiction bien «vue» en appel, surtout par ce Amar Belkharchi, ce président redouté, haï, admiré, jalousé, critiqué mais surtout honnête selon la plus grosse partie de l´institution de la magistrature, chère au président de la république. Or, Bekri, contrairement à une vieille habitude, n´a pas «prié» Maître Zeraya d´abréger son intervention longue, mais incisive, une plaidoirie que le conseil voulait qu´elle aille, non pas à un verdict indulgent, un sursis par exemple, mais la relaxe, même au bénéfice du doute. «Vous avez sans doute remarqué que le dossier va dans le sens du redressement de l´affaire, car il est quasi certain que l´auteur du méfait n´était pas ce Abdelmadjid L. Dites-vous bien que le vrai coupable court toujours. Rendez justice, non pas par intime conviction, mais sur les déclarations contradictoires et surtout les mauvais témoignages des uns et des autres. On a évoqué un voleur à la face brune. Vous avez devant vous un innocent à la face pâle et une cicatrice reconnaissable à mille mètres à la ronde», avait soufflé Maître Zeraya, heureux que le trio ait suivi la plaidoirie mais inquiet pour la mise en examen sous huitaine. Le détenu rejoint les geôles, la mine défaite. Maître Zeraya rejoint, lui, Maître Saci Abdoune, le bâtonnier Silini et sa fille aînée, Maître Madiha Silini, Maître Houria Abdessmad, Maître Fethi Gueritli, Maître Mouloud Atek et Maître El Haouès Ghorid, assis aux côtés de Maître Arezki Benouadah qui discute avec Maître Hadj Rachid Morsli, venu de Sid Aïd défendre un dossier rude.