Les années passent et les problèmes demeurent. Si ces problèmes n´arrivent pas à trouver solution, c´est qu´ils sont, soit insolubles, soit que la volonté politique qui les sous-tend n´est pas sincère. La volonté politique et les mesures qu´elle propose, demeurant inefficaces, les acteurs de la vie économique et sociale finissent toujours un jour ou l´autre par se poser des questions sur la nature-même du régime. Echecs, hésitations, atermoiements, révisions douloureuses, promesses insatisfaites, constituent la dot des systèmes agrippés à la rente. Ainsi, on peut malheureusement constater que plusieurs décennies après, il se trouve toujours des gens pour se poser les mêmes questions que se sont posées leurs aînés, il y a bientôt trois décennies. Je ne vise personne en particulier, mais il me semble que le secteur de la culture connaît un acharnement thérapeutique qui dénote l´état moribond dans lequel il se trouve: les festivals succèdent aux Salons, les années aux années et le cirque continue à coups de subventions délivrées à un rythme homéopathique qui frustre plus de gens qu´il n´en satisfait. Prenons l´exemple des réalisateurs de l´audiovisuel qui se signalent, de temps en temps, au gré des panoramas ou des manifestations spécialisées. Qu´est-ce qu´un réalisateur? C´est la locomotive d´une importante équipe de production qui va du scénariste jusqu´au projectionniste. Il serait vain d´énumérer toutes les professions qui participent à la réalisation d´un produit visuel. Mais le réalisateur est souvent un artiste (pas toujours). Et quand il lui arrive de tourner, tous les problèmes qu´il a dénoncés auparavant avec toute la hargne qui est la sienne, cessent d´exister. Pour qu´un réalisateur se taise, il faut qu´il tourne et qu´il s´abîme dans son travail de création qui supprime en lui l´instinct grégaire et l´esprit de corporation, mais entre deux tournages, il redevient le tribun qui réclame à cor et à cri de plus en plus de moyens pour lui donner une raison d´exister. Mais le réalisateur qui me regardait d´un air plein de suspicion quand, au début des années 80, nous dénoncions les errements d´une politique culturelle qui sciait la branche sur laquelle nous étions assis, oublie qu´à la base de toute production cinématographique, il faut d´abord penser au projectionniste, dans un pays où le nombre de salles de cinéma n´a guère évolué depuis deux décennies et où les gens ont perdu l´habitude de fréquenter ces lieux de convivialité que sont les cinémas, à cause, soit de la rareté des salles, soit du climat général relatif à la sécurité et à la délinquance endémique. Pour résumer et enfoncer le clou, je dirai au réalisateur qui demandait des subventions et parlait de lois concernant l´audiovisuel qui seront soumises à l´Assemblée: «Votre député, va-t-il au cinéma?».