Bechiri avait en face d´elle une victime pas si sûre de ses dires et un jeune de vingt ans qui nie les deux délits. Une drôle d´affaire de vol, d´agression où les preuves et les témoins sont quasi-inexistants. Drôlerie, bon sang! Maître Fetta Sadat était constituée contre une vieille dame victime d´agression, suivie de vol de portable qui se trouvait dans son sac. Et l´inculpé pouvait être le petit-fils de la vieille qui ne va pas le laisser s´exprimer devant Sihem Bechiri, la terrible juge intolérante lorsqu´elle a affaire à des inculpés aux comportements lâches et vils. «Dis la vérité. Avoue, méchant!», harcèle la victime le jeune inculpé qu´elle dévisage alors qu´elle a certifié que les agresseurs étaient trois, avec en prime des balbutiements. «Il est d´abord venu seul, taper à la porte et demander à me parler. Je lui ai répondu que mon fils était absent», ajoute-t-elle. Pour la victime, Maître Saddek Chaïb va utiliser l´artillerie lourde pour tomber sur l´inculpé. Il va reprendre les faits en commençant par les coups et blessures reçus et le vol du portable. «Il s´est d´abord armé de ruse en rendant une première visite à la victime pour "ausculter" les lieux. Ma cliente est sûre d´elle. Elle a tout d´une vieille dame encore lucide. Elle ne demande que le dinar symbolique», avait martelé l´avocat de Hydra-Centre. Plus tard, il allait répliquer par cette maxime. «L´assassin revient toujours sur les lieux du crime.» «Cinq ans de prison ferme», dira le procureur juste après la première plaidoirie. Pour Abdou L., Maître Saddat va meubler sa plaidoirie en rappelant au tribunal les délits, leurs articles et tout et tout. Mais, plus tard, elle va tenir en haleine l´assistance, Maître Miloud Brahimi compris, et éblouit Bechiri en grande forme au vu d´un rôle aisé, à manier. Après quoi, l´avocate va s´attarder sur les incohérences des poursuites et les nombreuses hésitations de la vieille respectable victime...Et puis, elle va littéralement éclater devant le tribunal pour sauver le détenu d´une injustice: «Vous n´êtes pas un membre d´une composition d´un tribunal criminel. Vous êtes un tribunal et une juge qui...juge sur pièces sonnantes et non trébuchantes», a dit tout de go Maître Fetta Saddat, peu acculée par la gravité des actes de vol avec violences et ce mot est à utiliser au pluriel SVP. Elle va faire un tabac à propos du pourquoi Abdou et pas un autre suspect arrêté sur des rumeurs! Et comme pour nous rappeler son «maître» de toujours Chérif Chorfi, elle va passer dix bonnes minutes à plaider en français jusqu´à ce que la vieille ne commence à marmonner des mots, juste peut-être pour déstabiliser la défense. Maître Sadat sourit et prie la vieille de la laisser effectuer son boulot correctement. Puis, passant à la fameuse phrase prononcée devant la PJ: «Je crois que c´est lui», avant de renchérir: «Nous sommes dans le flou. D´ailleurs le détenu s´était rendu à pied au commissariat sans peur ni reproche. Il n´avait rien à se reprocher. Le voilà détenu, poursuivi, humilié, et contre qui on requiert une lourde peine de cinq ans de prison ferme», balance-t-elle avant de s´en prendre à cette procédure de...flagrant délit: un mois de détention? «On n´est plus au flagrant délit mais au flagrant deuil», s´est encore exclamée l´avocate qui verra la victime «usée» par la position debout quitter la barre et aller se rasseoir auprès de son fils âgé lui aussi. C´est alors que l´avocate s´en ira vers le fameux concept: «Il vaut mieux libérer un comptable que de condamner un innocent» avant d´aller au-devant de l´absence de témoins: «Pas un seul n´a rien vu surtout que la victime a reconnu son agresseur trente jours et trente nuits. C´est impensable et insupportable», conclut Saddat qui prendra acte de la mise en examen du dossier.