Les efforts des deux bons conseils ont tout de même porté leurs fruits. Le trio de la deuxième chambre pénale a ramené la peine du ferme au sursis avec en sus... Un simple petit travailleur dans une coopérative agricole située sur le territoire de Chéraga a cru faire son devoir en dénonçant par écrit et en qualité de... syndicaliste les détournements de matériel agricole dont le montant récolté dépasse le milliard et quelques millions de centimes. «A propos, cette dénonciation a eu lieu lorsque vous étiez en poste?» «Non, après mon renvoi de la coopérative. D´ailleurs, j´ai tapé à toutes les portes. J´ai couru depuis le parquet de Chéraga jusqu´au sommet de l´administration.» «Vous avez une preuve quant au dépôt de plainte à Chéraga?» «Elle est chez Maître Benaki...», dit-il apeuré pour la première fois depuis qu´il a comparu devant Fatiha Brahimi et son duo de conseillers. L´avocat rouquin sort un papier que la présidente refuse de parcourir jusqu´à la fin. «Maître, la cour veut bien vous entendre, mais accepter une feuille sans cachet ni signature, non.» L´article 600 prévoit ces détails, ces gros détails, avant de revenir au prévenu: «Où en êtes-vous à propos de plaintes envoyées tous azimuts?» «La dernière est chez le wali. Entre-temps, je suis mis dehors. On m´a effacé du boulot...» «Non, non, c´est un autre dossier...», coupe la juge qui passe la parole à la première victime qui va dire d´emblée que le prévenu n´a jamais été syndicaliste. La deuxième victime qualifie le prévenu de brutal et d´impoli. La commission de discipline l´a mis dehors. Il n´avait rien à voir. De 1984 à 2001, il n´a pas pu s´intégrer dans le groupe de la coopérative, et jusqu´à sa décision de faire dans les fausses déclarations. Brahimi, la présidente, est décidée à ne pas se laisser déborder. Elle s´accrochera même, plus tard, avec Maître Benaki, le rouquin protestataire. La dernière victime soulève la relaxe obtenue au tribunal dès le premier procès autour de pseudo-vols. «Mais il a eu tort car tout était faux.» Maître Leïla Bendjillali, motivée au plus haut point, l´avocate des victimes soulèvera des tornades de protestations. «Il n´a eu de cesse de harceler les cultivateurs et tous les travailleurs de cette coopérative», s´est écriée l´avocate qui s´était aventurée à aller aux profondeurs de l´affaire, balayant du revers de la main les allégations du prévenu qui n´a jamais compris que tout matériel était sujet à restauration et même se devait d´être remplacé!, a ajouté l´avocate qui s´en ira aussi jusqu´aux graves préjudices moraux et le traumatisme causé aux travailleurs devenus la risée du périmètre de la coopérative. Le montant des dommages et intérêts ne saurait panser les blessures. Maître Fodil Benaki s´échinera à affronter l´article 300 du Code pénal, un article de loi «sensible et à prendre avec des pincettes», dira le défenseur rouquin. Puis, il rappellera que c´est le non-lieu confirmé par la chambre d´accusation qui a poussé ses collègues à se liguer contre lui. «D´ailleurs, la jurisprudence autour de l´article 300 précise que l´auteur d´une dénonciation n´est jamais responsable si la plainte n´aboutit pas.» Et puis, c´est le wali qui a lancé une enquête et déposé plainte. Quel aura été alors le tort de ce travailleur en dénonçant simplement un méfait? Il a été, si l´on veut, le détonateur qui a servi à aller dans les contours du délit, et maintenant si le juge d´instruction et la chambre d´accusation ont clamé le non-lieu, ils sont libres, mais ce n´est pas une raison pour que ce citoyen modèle soit mis dans un pétrin aux dents rouillées. Après un échange avec son précieux conseiller, Belaïd Oulahcène, la présidente prend son temps avant d´amorcer huit jours plus tard le verdict soulageant pour le prévenu qui venait d´éviter la prison ferme pour une peine assortie du sursis avec en sus, comme «punition morale», la publication dans les journaux, du jugement le condamnant pour diffamation...Maître Bendjillali se contentera de hausser les épaules, quant à Maître Benaki...