N´ayant pas reçu de formation professionnelle dans l´art de la communication, je fus étonné quand des amis proches me proposèrent de diriger un service de communication dans une entreprise d´importation qui avait quelques difficultés à écouler ses marchandises fabriquées en Asie, malgré leur bonne qualité. Je n´avais jamais jusque-là poussé la prétention de me présenter comme un communicateur, j´ai assuré le patron de ladite entreprise que je savais juste écrire des phrases correctes avec «un sujet, un verbe et un complément», comme me l´avait toujours conseillé avec une insistance gênante, mon rédacteur en chef qui préférait la clarté à la coquetterie: il faut dire que j´adorais ajouter un adjectif par-ci pour relever le plat ou ouvrir une parenthèse par-là pour introduire une allusion coquine. Cependant, je soumis à mon directeur les petites bonnes idées qui lui permettraient de mettre les deux pieds sur le marché algérien. Mais je lui mis le doigt en insistant lourdement sur ce qui pouvait peser efficacement sur la quantité des ventes: le service après-vente. Car bien que ne possédant que de vagues notions d´économie politique, je m´étais toujours étonné qu´un gouvernement qui prétendait oeuvrer dans l´intérêt de l´économie du pays puisse accorder des crédits à la consommation de biens fabriqués à l´étranger. C´était faire injure à l´intelligence humaine que d´agir ainsi. Finalement, j´étais arrivé à la conclusion que le crédit à la consommation, bien qu´il augmentait le confort d´une catégorie de la population, favorisait diablement une mince frange de la société qui pouvait ainsi, détourner légalement, une partie de la rente pétrolière «sans faire suer le burnous». Mais cela me conforta dans l´idée que tôt au tard, quand des fortunes colossales auront été amassées, le gouvernement ferait marche arrière et axerait ses efforts sur les investissements productifs. C´est la raison pour laquelle je m´efforçai de persuader le directeur d´étoffer son service après-vente, d´augmenter le capital bloqué en pièces détachées...Il faut dire que ma longue expérience de consommateur arnaqué m´avait armé dans le choix des produits de consommation. Figurez-vous, qu´ayant acheté une machine à laver de marque asiatique prestigieuse, au bout de deux ou trois années de loyaux services, celle-ci se mit en grève et s´arrêta de tourner. Je me rendis illico au siège de l´entreprise de service après-vente agréée par la multinationale: je fus cordialement reçu par un chef de service submergé par une foule de clients qui venaient s´enquérir soit du devenir de l´objet déposé là quelques semaines auparavant, soit d´un dépanneur à domicile. Le bureau de l´agent était occupé par un bon nombre d´équipements usagés qui attendaient là leur enlèvement. Un tableau électrique béant laissait voir ses fils dénudés, sommairement reliés entre eux: cela donnait une idée que l´on se fait de la maintenance en ces lieux. Quant à l´atelier, il était encombré d´appareils en tous genres dont les fils traînaient sur le carreau au milieu d´outils dispersés. De jeunes agents promenaient leur embarras dans ce capharnaüm sous les yeux d´un chef de service qui semblait dépassé par les événements. Il annonça d´un ton sec à la petite vieille qui courait déjà depuis plus de quatre mois pour le dépannage de sa machine à laver que «la maison» ne lui envoyait plus de pièces détachées et que pour une simple courroie, il faudra faire les magasins du Hamiz. Il finit par conclure que le nouveau concessionnaire de cette prestigieuse marque, installé à Belcourt, ne prenait pas en charge les anciens modèles. Si la petite vieille avait lu Kafka, elle aurait vite compris qu´il a dû séjourner en Algérie.