Un mandat d´arrêt est lancé contre un papa qui n´a pas réglé la pension alimentaire. Il a cru dribbler le tribunal. Erreur! Mohammed S. est ce père de famille qui s´est présenté à la barre pour demander un délai afin de s´acquitter des vingt-cinq millions, somme représentant la pension alimentaire et le montant du loyer du domicile pour les enfants, pas pour l´ex-madame S.Zahéra, comme le soulignera plus tard l´excellent avocat Maître Benouadah Lamouri, ce défenseur venu veiller à ce que justice soit rendue, en l´occurrence que le papa veuille bien régulariser ses enfants, des enfants sans ressources. Madame, l´ex pleure. La présidente n´était pas cette juge du siège à se faire du sang d´encre à propos de ce délit de non-paiement de la pension alimentaire, notamment. Elle pose une seule question précise: «Passé le délai, avez-vous ramené la somme due aux bambins oui ou non? Votre réponse va faire gagner du temps au tribunal!», murmure presque la magistrate en ayant bien en vue sa toute petite quenotte en l´air tel un glaive à frapper fort un condamné à la décapitation. Maître Lamouri, qui a suivi ce geste catastrophique, avait grimacé avant que son visage ne s´éclaire d´un très beau sourire qui met le papa inculpé mal à l´aise car en liberté provisoire. L´inculpé, qui avait un canard dans la poche arrière, n´avait pas encore digéré l´ultimatum de cette terrible présidente que Madame, la mère des enfants, jette sans la permission de la juge: «Il ne changera pas. Il m´a encore roulée. Il m´a fait courir dans tous les sens chez l´huissier et à chaque rendez-vous, il trouvait une échappatoire pour ne pas se présenter chez l´homme de loi.» L´atmosphère est si lourde que l´inculpé n´avait même pas tout entendu mais un autre sourire de Maître Lamouri le chatouilla. Il commençait par trembler de toute sa frêle carcasse. Sa tête allait et venait du fond de la salle d´audience au représentant du ministère public. Il est visiblement effarouché et encore plus visiblement effarouché lorsque Madame la présidente, les yeux clos, va hocher la tête comme pour annoncer une prochaine pluie de tuiles rouges, des tuiles lancées au nom de la loi non pas pour caresser ce père irascible qui ne veut pas saisir une bonne fois pour toutes que la pension alimentaire est le pain quotidien, le lait de tous les matins, le sel H24, le sucre jour et nuit sans évoquer les viandes rouge et blanche ou encore les fruits et légumes et autres pâtes, durant toute la semaine, sans discontinuer, car l´inculpé, commerçant de son état, avait vu le juge du statut personnel fixer la pension alimentaire en fonction et à la lecture de l´extrait de rôle. «Selon la maman de vos trois enfants, vous ne semblez pas avoir pris acte de la magnanimité du tribunal qui va devoir se tourner vers l´application de la loi et nous...» «Madame, je demande encore un délai, le temps que je ramasse les dix-sept millions de centimes...» Non, vingt-cinq millions est le montant que vous aviez vous-mêmes accepté lors de la dernière audience que vous aviez quittée libre car le tribunal a su être à la hauteur de votre remord du moment. «Or, continue Madame la juge», «vous n´avez pas su saisir la portée du geste de ce même tribunal». «Monsieur le procureur, vos demandes», enchaîne la présidente, qui va griffonner les cinq ans ferme et l´amende outre les dommages et intérêts et transcrire illico presto le dispositif du verdict assommant: quatre ans de prison ferme plus l´amende, le tout appuyé d´un mandat de dépôt. Et vlan! La salle va connaître un séisme auquel échappera Maître Lamouri ravi de cueillir les fruits de son émouvante plaidoirie où il avait certifié que «ce père ne règlera sa dette envers ses enfants que s´il perd sa liberté». Et dire qu´il avait balancé cette prière sans trop de conviction, mais l´ange justicier passait probablement par là. L´inculpé perd toutes ses couleurs. Il va même s´éponger le front inondé par une trouille à laquelle il ne s´y attendait pas. Il n´entendra même pas la juge lui rappeler qu´il avait dix jours pour interjeter appel ou il pourrait tomber à Boumerdès sur un trio plutôt peu enclin à la répression. Mais attention, ici, les deux chefs de cour, le procureur général notamment, n´y vont pas avec le dos de la cuillère envers les magistrats dont le don numéro un est le laxisme. Ce qui n´a pas été le cas de cette juge.