Un jeune, ivre mort, aurait pu connaître une fin affreuse si nous étions en 1993! «El Hachemi J. vingt-six ans, consomme deux litres de vin rouge et se dirige droit vers un policier en faction: Aboule le Klash!», lance l´ivrogne, à l´homme armé pour la circonstance, alors que le jeune agresseur portait un couteau à longue lame. Devant le refus du policier, il brandit le poignard et menaça le fonctionnaire de police. Ahmed Oussaâdi, le président de la section pénale d´El Harrach avait sous les yeux le PV de police, celui du procureur et tous les documents inhérents au procès. Les faits qui s´étaient déroulés devant la sûreté urbaine de Baraki ont vu le détenu assurer le tribunal qu´il avait été attaqué dans la petite forêt de Baraki, qu´on lui avait enlevé le portable et même battu. «Hagrouni, monsieur le président. Je suis victime. Normalement on aurait dû déclencher une rapide enquête pour trouver mes agresseurs. Ceux-là même qui m´ont dépouillé de mon portable et de mes petites économies», a crié l´inculpé. Et le juge de répliquer qu´il était l´unique responsable de ses déboires. Et puis, vous attaquer à un policier en faction, c´est vraiment, hasardeux, mâchonne, sous sa paire de lunettes, Oussâdi. Maître Djediat Mouhamed, l´avocat d´El Hachemi, trouve fou qu´un jeune ivre mort, armé seulement d´un couteau même à longue lame, attaque de front un policier devant un commissariat ne ne peut être qu´un aliéné mental. Puis, l´avocat va tenter de dédramatiser en assurant que le détenu était revenu de loin car il aurait pu «être abattu sur place surtout à Baraki qui a connu une période noire et risquée». Effectuant de véritables envolées, l´avocat passera dix bonnes minutes à lancer des anecdotes «à propos d´imbéciles, ignares qui aiment jouer avec le feu sans mesurer le risque qu´ils encourent en s´adonnant à la boisson et en allant s´attaquer à des agents des services de sécurité formés en tout sauf de voir un jeune soûl s´approcher d´eux et jouer avec sa vie». Maître Djediat avait promis de faire court car il a eu vent que le magistrat du lundi n´était pas né de la dernière pluie et donc plaider le minimum et juste valait mieux que s´étaler dans le vide. Il est vrai que Barkahoum Messaoudi, la représentante du ministère public, avait excellemment joué son rôle de poursuivante en faisant un sacré mini-réquisitoire d´où se dégageait outre la détermination de punir ce jeune égaré, mais aussi des regrets de voir, à quatre mètres du pupitre, ce même égaré être victime de trois fléaux que le Code pénal a prévus: l´état d´ivresse, les menaces à l´aide d´une arme blanche surtout la tentative de coups et blessures volontaires sur un fonctionnaire de police dans l´exercice de ses fonctions. D´ailleurs, avec un mignon sourire, Maître Djediat,l´avocat brun, fit bouger sa fine moustache avant d´aller droit vers les circonstances atténuantes, car son dossier, y compris le casier judiciaire plaide en sa faveur. Il attend du tribunal beaucoup d´indulgence et soyez assuré qu´il n´est pas prêt d´oublier le séjour aux «Quatre Ha» qui va certainement le marquer à vie surtout qu´il est en stage (Oussaâdi hoche la tête, le sourire en coin comme pour accueillir cette info bonne à déployer durant la mise en examen qu´il décide pour une semaine). En somme, montrer la voie au détenu où mènent la bouteille, le couteau et la langue trempée dans le verre de Bacchus.