Maître Lamouri n´est pas un habitué du tribunal de Boufarik. Mais pour la bonne cause, il y est allé...et Maître Morsli y était aussi... L´inculpé du jour est un amateur de délits divers, mais aussi et surtout un récidiviste invétéré. A ce train-là viendra un jour où le juge du siège va refuser de l´entendre. Il est vrai que Mohamed G. est un véritable chauffard. Il heurte les gens avec son véhicule et détale...Il s´était enfui à Chebli en 2001. Il l´a aussi fait à Sid Aïd en 2007 et en 2010, en mai, on ne sait plus: au marché de Boufarik ou à Bougara. Et c´est là où la juge va devoir trancher sur le vif. Mohamed G. est un récidiviste en matière de délit de fuite à la suite d´accidents de la circulation. De malheureux accidents de la route de la Mitidja en bien mauvais état! Cette fois, le sinistre et la fuite ont eu lieu au marché de Boufarik, selon l´inculpé, celui de Bougara, selon la victime. Maître Benouadah Lamouri n´est pas, pour une fois, ni à Rouiba, ni à El Harrach, ni au Ruisseau ou encore moins à Hussein Dey. C´était en juillet 1999, se rappelle la victime, qui ajoute qu´elle avait à ses côtés Mesbah, le propriétaire du PC. L´avocat de la victime est debout, le menton sur la paume de la main gauche qui repose sur son coude droit...«En sortant du marché, il m´a coincé, le bras droit et la jambe droite qui sont rudement touchés. Et sur ce, il ne s´est pas arrêté. Il ne s´est pas inquiété sur notre sort, ne s´est pas déplacé au poste de police ou au moins venir s´excuser des blessures. Il ne mérite aucune clémence», murmure presque la victime, aidée rapidement et spontanément par Maître Lamouri qui s´est levé pour effectuer les inévitables demandes de dommages et intérêts et la désignation d´un expert, outre des dommages provisoires prévus par la loi. «Vingt millions de centimes», ajoute l´avocat qui avait auparavant regretté le fait que l´inculpé n´ait pas assisté le blessé, un grand blessé. «Je ne comprendrai jamais cette mentalité», siffle-t-il, le front inondé en cette journée humide de la cité des agrumes où le printemps avait été précoce cette année. L´avocat s´éponge le front avant de céder la parole au ministère public et à son représentant. Debout, Abderaouf Kouchih, le procureur, réclame un an de prison ferme en insistant que si un accident relevait du Qadha oul Qadar, le délit de fuite est un vrai grand délit à combattre sans cesse, car il y a risque de non-assistance à personne en danger. «Dans ce dossier, la victime s´en est sortie certes vivante mais handicapée avec des fractures à la jambe et au bras droit», souligne le représentant du ministère public qui entre de plain-pied dans le domaine de la magistrature avec, en prime, une radieuse Nadia Mamèche, la présidente. Pour l´inculpé, Maître Amine Morsli regrette ce qui est arrivé à la victime, met en valeur le nombre croissant des accidents de la circulation et demande «expressément le sursis car une grande famille dont six enfants l´attendent, lui, le seul soutien», siffle le plus jeune des Morsli qui avait bien suivi la diatribe de son ami Maître Lamouri à propos de la fuite. Et cela suffit à l´avocat de Dar El Beïda pour demander la parole. Avec un large sourire, Mamèche qui a connu l´avocat à Rouiba lorsqu´elle occupait le siège du parquet à la droite de la sublime Yamina Guerfi alors présidente de la section correctionnelle, acquiesce. L´avocat réplique qu´il fallait d´abord que l´inculpé ait tous ses esprits lors de l´accident et freiner le véhicule avant de s´enquérir de l´état de l´homme. Maître Morsli, avec un sourire qui va nous rappeler celui de son père Maître Hadj Rachid Morsli, va expliquer que son client a paniqué lorsqu´il a vu les gens accourir: «Il a eu peur que la victime ne décède et qu´il ne soit lynché par une foule excitée sans savoir qui est responsable de quoi.» Mamèche balance au passage qu´«il fallait penser à sa famille avant de prendre le volant et même pendant la conduite!» Après quoi, elle inflige une peine de prison de deux mois ferme, de quoi calmer tout ce beau monde.