De nouveau, Israël focalise sur le vieux leader palestinien accusé de tous les maux. Dès sa prise de pouvoir en février 2001, le chef du gouvernement israélien et chef du parti de droite le Likoud, Ariel Sharon, avait déclaré le président palestinien, Yasser Arafat, personnage «caduc», «hors jeu». Un jeu dont, à l'évidence, seul Israël détient le code et le mode d'application. En fait, Abou Ammar -même acculé comme il l'est depuis plus de deux ans dans un isolement total dans son réduit de la Moukataâ - continue à déranger et empêche par sa seule existence les plans de finalisation d'une paix «israélienne». C'est, en fait, là le fond du problème, depuis sa remise en cause d'abord, son rejet ensuite, du processus de paix, issu des accords d'Oslo, par le gouvernement Sharon, qui revient à son idée première d'imposer par tous les moyens et surtout par la force la «pax israéliana». En vérité, depuis près d'une décennie, et le rejet des accords d'Oslo par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, en 1996, (par son refus de poursuivre le retrait de l'armée israélienne des territoires palestiniens occupés appelés à l'autonomie), rejet confirmé, dès son entrée en fonction en 2001, par Sharon, il ne faisait plus de doute que les Israéliens n'avaient retenu qu'une seule option, qui, selon eux, peut solutionner le contentieux israélo-palestinien, celle, encore et toujours, de recourir à la force pour faire plier les Palestiniens à leur diktat. De fait, en requalifiant la résistance palestinienne, à l'occupation israélienne, sous le vocable aujourd'hui à la mode et par trop commode de «terrorisme», les Israéliens, et dans leur sillage les Américains, jouaient un peu sur du velours, dénaturant en réalité les fondements mêmes du conflit du Proche-Orient qui est, et reste, la lutte d'un peuple pour son droit à l'autodétermination et à l'indépendance. Dès lors, la diabolisation de Yasser Arafat - depuis un demi-siècle le porte-drapeau de la résistance palestinienne - est une façon d'occulter ce droit à la résistance reconnu notamment par la Charte de l'ONU et maintes fois réaffirmé par des résolutions du Conseil de sécurité. Aussi, réduire la résistance d'un peuple - qui lutte depuis 55 ans pour ses droits - à un problème de sécurité (pour Israël) c'est autant nier ce droit, reconnu à tous les peuples colonisés, que faire le lit de tous les extrémismes, notamment israéliens, qui prétendent poursuivre la colonisation des territoires palestiniens tout en postulant à la paix. L'obstacle à la paix, et, partant, à la sécurité d'Israël, demeure, avant tout, l'intransigeance de son gouvernement et l'aventurisme dans lequel Sharon l'a entraîné. Il y a tout de même comme un défaut lorsque l'on demande à un homme délibérément isolé dans son réduit de Ramallah, dont l'autorité a été largement décrédibilisée par les agressions de l'armée israélienne, dont les services de sécurité sont, non seulement déstructurés et désarmés, mais également poursuivis comme des criminels par l'armée israélienne qui en a fait ses cibles privilégiées. Et c'est à cet homme-là, prisonnier de facto, sinon de fait d'Israël, à une Autorité palestinienne déstructurée, que Washington demande de faire «d'autres efforts» pour combattre la violence. Une violence alimentée par les Israéliens eux-mêmes, qu'Israël avec son énorme potentiel militaire n'arrive ni à réduire ni même à entamer. Car, un peuple déterminé à défendre ses droits ne peut être vaincu, et l'isolement de Yasser Arafat, voire son bannissement, n'y changeront pas grand-chose, à moins de reconnaître aux Palestiniens le même droit qu'ont tous les peuples d'ériger leur Etat indépendant. De fait par un curieux retournement des choses, le détenteur de la puissance, Israël - qui a commis ces derniers mois maints carnages contre le peuple palestinien - juge et partie, impose ses vues à la communauté internationale qui n'est pas loin d'approuver un déni de droit envers un peuple dépouillé de ses terres et de ses droits. Ce sont pourtant bien les Israéliens qui refusent la paix fondée sur l'échange de la terre contre la paix, voulant l'un tout en conservant l'autre. Yasser Arafat, mis «hors jeu» depuis l'arrivée de Sharon aux affaires, n'est qu'un prétexte facile permettant à l'Etat hébreu de continuer à ignorer ses engagements internationaux. Le dernier en date étant la «feuille de route», refusée, comme il se doit, par Ariel Sharon et le gouvernement israélien, non pas par Yasser Arafat et le Cabinet Mahmoud Abbas qui travaillent, en revanche, à sa concrétisation. Le syndrome Arafat est de fait devenu une sorte de repoussoir qui permet à Israël de ne pas assumer ses propres responsabilités dans la recrudescence de la violence et la dégradation de la sécurité en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.