Le royaume wahhabite qui fait le dos rond se retrouve dans le collimateur américain. Les opérations spectaculaires de Riyad et de Casablanca - huit attentats combinés simultanés contre des résidences fréquentés par des Occidentaux dans les deux métropoles saoudienne et marocaine - dont la culpabilité présumée est attribuée à la nébuleuse Al-Qaîda, relève le peu d'impact de la lutte anti-terroriste déployée ces deux dernières années, et supervisée, par les Etats-Unis. En faisant de l'éradication du terrorisme international une question nationale, et en tenant à l'écart les organisations internationales spécialisées - notamment par la rétention des informations - Washington aura surtout permis à Al-Qaîda, que l'on croyait décapitée en décembre 2001 - après la chute des taliban en Afghanistan - de se redéployer, et à son gourou, Oussama Ben Laden, dont le mystère persiste autour de sa présumée mort, de revenir au devant de l'actualité mondiale. Il est de fait, que les attentats de Riyad et de Casablanca - dont les services de sécurité saoudiens et marocains ont relevé le professionnalisme - ont quelque peu ébranlé la confiance dont faisaient montre les Etats-Unis dans leur croisade contre le terrorisme et son succédané le crime organisé. En réalité, ce qu'il faut ici souligner, est le fait que les Etats-Unis, qui disposent d'un vaste réseau de renseignement, sans équivalent dans le monde, ont quelque peu fait cavaliers seuls, négligeant de coordonner leurs efforts avec le reste de la communauté internationale, singulièrement les pays les plus touchés par le terrorisme, ou, à tout le moins, ceux réputés abriter des ramifications de groupes terroristes et, potentiellement, terrain propice à de telles démonstrations de force contre les Occidentaux. L'Arabie Saoudite, foyer de fait de l'intégrisme islamiste, s'en est longtemps accommodé, sinon protégée, notamment par l'aide financières octroyée aux nombreuses associations caritatives qui, souvent, ne sont que des couvertures, à peine corrigées, sous lesquelles se cachaient des organisations terroristes. De fait, le royaume wahhabite - dont quinze de ses citoyens étaient parmi les 19 kamikazes ayant commis les attentats de New York - fait, par la force des choses, le dos rond essayant d'atténuer les suspicions à son endroit. Ainsi, après les mésaventures d'une princesse saoudienne, accusée à la fin de l'année dernière d'avoir contribué au financement des opérations d'Al-Qaîda, c'est maintenant la Garde nationale, domaine réservé du prince héritier Abadallah Ben Abdelaziz, de se trouver dans le collimateur de la presse américaine qui ne s'est pas privée de porter des accusations à son encontre, la mêlant aux dernières opérations terroristes. Ainsi, l'influent quotidien proche des décideurs de la Maison-Blanche, le Washington Post n'a pas hésité, dans son édition de lundi, à pointer du doigt la Garde nationale soit, indirectement, le prince héritier du trône saoudien. Citant des responsables saoudiens et américains, comme de juste non identifiés, le journal de Washington relève que «les armes saisies le 6 mai à Riyad dans une maison d'une cellule liée au réseau Al-Qaîda, pourraient avoir été vendues par des membres de la Garde saoudienne», laquelle est placée sous l'autorité du prince héritier Abdallah. Le Washington Post, affirme aussi, citant les mêmes sources, que «ces armes ont permis de remonter jusqu'à la Garde nationale (...)» qu'une enquête est diligentée. Certes, l'information a été immédiatement démentie par le ministre de l'Intérieur saoudien, le prince Nayef Ben Abdelaziz, qui a déclaré que «cela est totalement infondé». Cependant, le doute s'insinue quelque peu dans les esprits, même si le prince Nayef estime que l'information du quotidien américain, «s'inscrit dans le cadre d'une campagne médiatique occidentale hostile au royaume». Ces piques ne font que confirmer le flottement actuel existant entre les deux capitales américaine et saoudienne. En vérité, le royaume wahhabite vit une fin de règne morose, et l'après-Fahd Ben Abdelaziz s'annonce très difficile. Cela dit, les pistes sur les attentats de Riyad et de Casablanca demeurent assez brouillées même si les kamikazes, ayant pris part aux opérations sont, en majorité, identifiés comme étant des Saoudiens et des Marocains. Expliquant le fait que les policiers du FBI sont en Arabie Saoudite «pour inspecter (les sites des attentats) et non pour participer à l'enquête», le prince Nayef n'en espère pas moins voir «(...) coopérer (...) tous les services de sécurité dans le monde pour extirper le terrorisme». De son côté, le ministre marocain de l'Information, Mohamed Benabdellah, dans une déclaration à la radio française RFI, estime que dire «dès à présent qu'Al-Qaîda soit derrière ces attentats serait une chose dont nous ne sommes pas tout à fait certains. Il est évident, indique-t-il, que ces actions, qui ont été perpétrées contre le Maroc, l'ont été par des éléments marocains en liaison avec des réseaux existant sur notre territoire, lesquels sont dans le même temps en relation avec le réseau terroriste international», ajoutant: «Certes, ce réseau terroriste international est souvent décliné comme le réseau Al-Qaîda (...)». Le fait est que, à l'exclusion de l'identification des terroristes de Riyad et de Casablanca, les indices restent ténus les enquêteurs se rabattant sur des supputations qui ne les avancent guère dans l'établissement de la vérité.