La précipitation dans la préparation du voyage est en relation avec des informations précises faisant état d'une probable action terroriste dans la région. Le ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, se rendra en Algérie, au Maroc et en Tunisie, aujourd'hui et demain, pour rencontrer ses homologues de ces trois pays afin de «renforcer la coopération opérationnelle dans la lutte contre le terrorisme», a annoncé le ministère, hier, à Paris. Une annonce qui en a surpris plus d'un pour la simple raison que cette visite n'a été programmée qu'hier seulement. En effet, de sources dignes de foi, L'Expression a appris qu'aucun service n'a été informé de cette tournée maghrébine du ministre français de l'Intérieur. La décision n'a, en fait, été prise, selon nos sources, que très tardivement. Un empressement qui amène de nombreuses interrogations sur l'objet même du déplacement de Sarkozy dans les capitales du Maghreb. «Sans qu'aucun élément ne permette de penser que notre pays soit actuellement l'objet d'un projet précis, le niveau de la menace terroriste dans le monde, encore confirmée par les récents attentats de Casablanca et de Riyad, exige une actualisation des modalités de la coopération entre les pays», relève-t-on dans le même communiqué. Autrement dit, le déplacement du ministre français a un caractère éminemment sécuritaire. Mais ce que ne dit pas le département et que d'autres sources révèlent c'est que cette précipitation dans la préparation du voyage est en relation avec des informations précises recueillies par les services secrets français, faisant état d'une forte probabilité d'une importante action terroriste en préparation dans la région du Maghreb. Nos sources n'écartent pas, non plus, le fait que Sarkozy vienne avec une liste, établie en France, d'activistes islamistes maghrébins en contact avec des réseaux dormant dans l'Hexagone. Dans son communiqué, le ministère français de l'Intérieur renvoie à une réunion, tenue en Espagne, sur le thème du terrorisme, le 18 mai, «a conduit le ministre de l'Intérieur à convenir avec chacun de ses collègues algérien, marocain et tunisien de la nécessité d'une réunion de travail dans les meilleurs délais». Or, il n'est pas dans la tradition des relations internationales de fixer ce genre de date plusieurs semaines à l'avance, ce qui n'est pas le cas présentement. Cela dit, officiellement cette visite obéit à une volonté d'approfondissement de «la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme», entre la France et les pays du Maghreb. Du côté algérien, première étape de la tournée, un communiqué laconique du ministère de l'Intérieur, annonce cette visite en la mettant sur le compte de «questions d'intérêt commun relevant de leurs départements respectifs, et notamment celles liées à l'évolution récente du contexte international», sans plus de précisions. En tout état de cause, il est quasi certain que le climat de menace permanente qui pèse sur la planète, et plus particulièrement sur le bassin méditerranéen, après les attentats de Riyad et de Casablanca constitue la première motivation de cette prise de contact, pour le moins, précipitée. La France, qui a relevé le niveau de vigilance de son plan Vigipirate au lendemain des attentats de Casablanca et qui a dépêché des agents de la Dgse et de la Direction nationale de lutte anti-terroriste (Dnat) au Maroc, est l'un des premiers pays occidentaux à avoir souffert du phénomène terroriste islamiste, notamment avec la série d'attentats de l'été 95, perpétrés par un réseau de terroristes algériens, dont le chef de file Khaled Kelkal a été abattu par la gendarmerie. Depuis, les services de renseignement français ont établi des contacts permanents avec le DRS algérien. Lesquels contacts ont été, de l'avis des professionnels du renseignement français eux-mêmes, très fructueux et ont permis de déjouer de nombreux attentats. Une coopération citée en exemple dans le cadre du processus des 5+5, regroupant des pays du Nord et Sud de la Méditerranée. En fait, de par sa proximité avec les pays du Maghreb, la France est devenue par la force des choses un partenaire incontournable des services de sécurité, tant algériens, tunisiens que marocains. Plus encore, le raffermissement des relations politiques entre Alger et Paris est de nature à permettre au déplacement de Sarkozy à Alger d'obtenir des résultats probants, d'autant qu'il n'existe, pour ainsi dire, aucune entrave dans les relations entre les deux pays. La visite de Chirac en Algérie en mars dernier et les deux déplacements de Bouteflika en France ont permis aux deux nations d'aplanir, au plus haut niveau des Etats, tous les différends. D'ailleurs, la visite du chef de l'Etat en France annoncée pour la fin du mois en cours, est un autre témoignage de l'intérêt mutuel d'une coopération tous azimuts, notamment dans le domaine sécuritaire. Enfin, il y a lieu de noter la confiance renouvelée de la France quant à l'approche de l'Algérie officielle sur la question de l'Islam. L'installation de Dalil Boubekeur à la tête du Conseil du culte musulman de France illustre la convergence de vues des deux nations sur le problème de l'islamisme.