«Le colonialisme, c´est maintenir quelqu´un en vie pour boire son sang goutte à goutte.» Massa Makan Diabaté "Extrait de Le Coiffeur de Kouta" Avec ses deux précédents films L´Esquive et La Graine et le mulet), Abdelatif Kechiche avait récolté huit Césars (du jamais vu dans le cinéma français). Curieusement, cette année il n´a qu´une seule nomination avec son dernier film Vénus noire considéré comme le plus engagé et le plus international. Seule la comédienne cubaine Yahima Torres est nominée pour le César du meilleur espoir. Un César qu´elle pourrait peut-être décrocher comme Hafsia Herzi dans La Graine et le mulet en 2008 et comme Sara Forestier dans l´Esquive en 2005. Mais qu´est-ce qui a convaincu l´académie des Césars de ne pas le nominer pour le Prix du meilleur réalisateur et du meilleur scénario comme la fois précédente. Quand Kechiche avait décroché, la première fois, les Césars, on avait déclaré que c´était le fruit de la discrimination positive qui avait prévalu dans la politique et la société françaises. Et quand il avait décroché, une nouvelle fois, quatre Césars pour La Graine et le mulet en 2008, on avait «sorti» que c´était le chouchou de Claude Berry, le parrain du cinéma français et personne n´ose critiquer son oeuvre. Aujourd´hui que Berry est mort et qu´il est en train de voler de ses propres ailes, il est ignoré par les Césars. Sur quelle base l´académie française sélectionne ses films français? Comment peut-elle ignorer un film qui a été présenté à la Mostra de Venise. Comment peut-on ignorer surtout Hors-la-loi qui est nominé aux Oscars et favoriser Des hommes et des dieux tout simplement parce qu´il a été écarté de la course américaine. D´ailleurs, les Césars est une compétition qui est toujours placée à l´ombre de la compétition américaine des Oscars. Les nominés pour les Césars ne sont connus qu´après la diffusion des demi-finalistes des Oscars et la cérémonie est toujours programmée 24 ou 48 heures avant les Oscars. Comme pour ne pas se tromper dans les jugements des jurys. Même si on n´aime pas La Graine et le mulet, jugé trop personnel, même si l´Esquive ne méritait pas le César du meilleur film et surtout celui du meilleur réalisateur, Vénus noire avait toute sa place dans les Césars, car c´est un film très engagé et que le réalisateur Abdelatif Kechiche, qui avait beaucoup mûri cinématographiquement, méritait de figurer dans le quota des nominés. Il reste clair et obscur que Vénus noire est un film qui dérange, surtout avec sa première séquence où Abdellatif Kechiche montre un homme exhiber dans un amphithéâtre, devant un parterre de scientifiques et d´érudits, les organes génitaux qu´il a détachés d´un cadavre féminin. Une séquence qu´on pourrait cataloguer entre Freaks le film culte de Tod Browning et Elephant man, le chef-d´oeuvre de David Lynch, car le film de Kechiche expose la relation très étroite et incestueuse entre le voyeurisme barbare et le colonialisme blanc d´une époque qui n´est pas encore révolue. Abdelatif Kechiche, très sensible à ses origines africaine et carthaginoise, s´apprêtait seulement à raconter l´histoire de la «Vénus hottentote» Saartjie Baartman, une jeune femme d´ethnie khoisan en Afrique du Sud, qui fut exhibée en Europe de 1810 à sa mort en 1815, à Paris. Le moulage de son cadavre fut exposé au Musée de l´homme, à Paris, jusqu´en 1974. Heureusement que le cinéma est là pour dénoncer ces faits, même si les Césars ne sont pas le meilleur moyen pour les médiatiser. [email protected]