La mise en oeuvre de la «feuille de route» connaît plus de bas que de haut. Un jeu d'équilibre assez singulier se joue entre le président Arafat et le Premier ministre Mahmoud Abbas. La situation entre les deux hommes s'était quelque peu détériorée lors de la réunion, la semaine dernière, du Comité central du Fatah, au cours de laquelle, des observations ayant été faites sur la manière avec laquelle Abou Mazen menait ses contacts avec Israël. Outre le retrait de l'armée israélienne des territoires palestiniens, ces contacts avaient pour objet une question primordiale pour les Palestiniens: celle des prisonniers, estimés au nombre de 6000. Or, le cabinet Sharon, qui adopta le principe de libération des détenus palestiniens, a circonscrit le nombre des libérables au chiffre ridicule de 350, parmi lesquels 215 emprisonnés administratifs qui n'ont jamais été jugés. Outre des critères de libération insurmontable, Israël a également décidé de n'élargir aucun membre des mouvements islamistes du Hamas et du Jihad islamique. C'est sur cette question donc que Mahmoud Abbas s'est vu critiquer par le Comité central du Fatah, ce qui amena le Premier ministre palestinien à déposer sa démission du Fatah, la principale composante de l'Organisation de la libération de la Palestinien (OLP). Démission, de fait, immédiatement refusée par le CC du Fatah, sans que cela parviennent à détendre l'atmosphère et, singulièrement, les relations tendus entre MM.Arafat et Abbas. En fait, le différend, si différend il y a, entre les deux hommes, n'est pas personnel, mais plutôt tactique, ou comment veiller à protéger les droits des Palestiniens lorsque les Israéliens ont tendance à réduire le contentieux à un problème de sécurité pour les Israéliens, quand il s'agit avant tout d'une question de décolonisation et du départ des occupants. Ce n'est pas, contrairement à ce que veulent faire croire les médias internationaux, qui opposent Abbas à Arafat, une question de prérogatives entre les deux hommes, mais une question d'approche qui trouvera sa solution à l'intérieur de l'instance du Fatah. Le ministre délégué à la sécurité, Mahamed Dahlane le résume assez bien lorsqu'il souligne: «Je suis membre du Fatah, je détermine mes positions en fonction des frères Abou Ammar, (Yasser Arafat) et Abou Mazen, (Mahmoud Abbas). Mais pour ce qui est du Fatah en tant que mouvement, ma position est déterminée par Abou Ammar». Ce qui définit assez bien les prérogatives de l'un et de l'autre responsable palestinien et cela dans l'intérêt du combat du peuple palestinien. De fait, Yasser Arafat, leader du Fatah et de l'OLP, président de l'Autorité palestinienne, est incontournable dans tout processus de paix ayant des chances d'aboutir. Aussi, la campagne d'exclusion du président Arafat relancée à nouveau par Ariel Sharon a peu de chance de réussir, comme ont fait choux blanc ses prétentions de le faire boycotter par les visiteurs étrangers. Or, Ramallah est devenue pour les diplomates internationaux, en visite dans les territoires palestiniens, une halte incontournable. De fait, le ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, a rencontré hier le Président palestinien avec lequel il a abordé la mise en oeuvre de la «feuille de route» prévoyant la création de l'Etat palestinien d'ici à 2005. M.Sharon était hier à Londres pour tenter de convaincre la Grande-Bretagne de boycotter le leader palestinien. Cette démarche est en fait improductive si, effectivement, les Israéliens sont réellement désireux de voir aboutir la «feuille de route». En revanche, cette manière de procéder a toutes les chances de faire capoter les efforts en cours tout en en portant la responsabilité sur le président palestinien. Parlant de la situation du président palestinien, le ministre de l'Information, Nabil Amr, déclare au quotidien Asharq Al-Awsat, que «le président Arafat assiégé est dans une situation injuste, illogique et anormale. Cette situation doit changer» affirmant: «Les Israéliens et les Américains doivent (...) changer d'attitude vis-à-vis de Yasser Arafat. Nous leur disons franchement que s'ils veulent avancer rapidement vers un règlement politique, la situation anormale de M.Arafat doit prendre fin».