Plus que jamais dans l'expectative, la coalition tente de calmer le jeu face à une résistance multiforme de plus en plus marquée. Sous une façade de sérénité que les Américains aiment bien exhiber, se cache en fait une vraie inquiétude face à la montée des périls. De fait, la «pacification» de l'Irak s'annonce problématique et les forces d'occupation contraintes à des représailles loin de lui concilier la population irakienne. L'après-Saddam Hussein s'avère, pour les Américains, tout compte fait, plus aléatoire qu'ils n'ont pu le supposer. Certes, les Irakiens ont accueilli avec une énorme satisfaction, l'éviction du régime dictatorial du parti Baâs, mais aujourd'hui, ils verraient d'un bon oeil le départ rapide des forces d'occupation de la coalition. Ce qui ne semble point l'objectif des stratèges de l'administration américaine, qui prévoient en revanche, une présence en Irak pour le long terme. Si, au début de l'occupation, les différents responsables américains se sont hasardés à parler de présence transitoire, ils se gardent maintenant de se prononcer sur un départ désormais réclamé par toutes les tendances politiques en Irak, quelque peu refroidies par les propos de l'administrateur en chef, Paul Bremer. Les déclarations de M.Bremer, tendent plutôt à inscrire l'administration de l'Irak, par la coalition, pour une période de temps indéterminée, en tout état de cause, pas avant que n'aient été atteints les objectifs que s'est assignée l'occupation d'un pays stratégiquement vital pour l'indépendance énergétique des Etats-Unis. Ce qui fait que les doléances des «politiques» irakiens, mécontents de la tournure des événements, pèsent de peu de poids. Cependant, l'avènement d'une résistance armée persistante et organisée peut remettre, à terme, toutes les architectures mises au point par la coalition. Déjà, celle-ci fait face au mécontentement et menaces des anciens militaires irakiens qui exigent de l'occupant américain - outre de recevoir leurs soldes des deux derniers mois - d'être réintégrés dans leurs corps d'origine, les unités de l'armée irakienne dissoutes, début juin, par l'administrateur en chef américain. De fait, les militaires irakiens menacent, en cas de non-prise en compte de leurs demandes, de passer à l'action. Alors même que les sunnites sont passés à la résistance active dans la région de Falloujah - où il ne se passe pas un jour sans que soit signalées des attaques aux RPG contre les soldats de la coalition - voici leurs cousins chiites qui donnent de la voix, exigeant que la Hawza (la plus haute autorité religieuse chiite) contrôle la mise en place de «conseils locaux» que la coalition compte organiser. En exigeant un droit de regard sur la constitution de ces conseils, les chiites rappellent, par la même occasion, qu'en tant que première force religieuse du pays, ils entendent jouer un rôle politique à leur mesure et que rien ne pourra désormais se faire sans eux. Dans ce contexte, des manifestations ont été organisées, hier, devant le siège de la coalition à Bagdad, les manifestants remettant aux forces de la coalition, une pétition dans laquelle, ils réclament «la formation rapide d'un gouvernement irakien, la constitution, sous supervision de la Hawza, des conseils locaux et du gouvernement, la libération des prisonniers administratifs, l'acheminement rapide de l'aide humanitaire et un changement d'attitude des forces de la coalition vis-à-vis des Irakiens». Le fils de l'ayatollah Mohammed Sadek Al-Sadr - chef spirituel des chiites dont l'assassinat en 1999 est imputé au régime baâssiste - Mouqtada Al-Sadr, semble prendre la tête de la fronde chiite qui veut, par les manifestations, maintenir la pression sur la coalition «jusqu'à ce qu'ils obtiennent satisfaction», comme l'affirme l'un de ses partisans, cheikh Sayed Ibrahim Al-Jaberi. Si en Irak, les forces d'occupation se heurtent de plus en plus à une résistance multiforme, il n'en demeure pas moins qu'en filigrane, subsiste le mystère des armes de destruction massive toujours indétectables par les experts britanniques et américains. A ce propos, le président Bush a affirmé la détermination des Etats-Unis à les trouver et qu'ils y mettront «le temps nécessaire» en déclarant: «Nous sommes déterminés à découvrir l'étendue véritable des programmes d'armements de Saddam Hussein, quel que soit le temps nécessaire.» Un challenge néanmoins difficile à moins, certes, de mettre l'Irak sens dessus-dessous, afin de trouver des ADM que les Irakiens affirment qu'elles n'existent pas, si ce n'est dans l'esprit des Américains.