En dépit des inquiétudes, «l'épidémie de peste à l'Ouest est maîtrisée». C'est ce que soutiennent les autorités sanitaires qui supervisent les mesures prophylactiques et les autres opérations enclenchées depuis la déclaration des neuf cas de peste bubonique, alors que «le plan d'urgence» se poursuit dans la localité de Kehaïlia. Plus que jamais dans l'expectative des résultats d'une enquête épidémiologique qui ne peut encore préjuger de rien, Aberkane, ministre de la Santé et de la Population, tente de calmer une population face au péril pestilentiel et des autres maladies que charrie un été de tous les dangers. La sérénité qu'affichent les pouvoirs publics suffira-t-elle à calmer l'inquiétude de toute une population qui a fini à apprendre au fil des ans à côtoyer la montée des périls à l'orée de chaque été? A Bougaâ, déjà, une localité mitoyenne avec Sétif, des échos ont fait état d'un mystérieux mal qui aurait frappé quelques citoyens et dont les symptômes se résumeraient en des saignements que rien n'explique. Alors que des cas de peste seraient colportés à Alger. Du coup le ministre de la Santé redouble de persévérance et tente de calmer les Algériens largement éprouvés par un enchaînement surprenant de détresse; il en appelle à la sérénité et demande de « ne point rajouter à des calomnies sans fondement scientifique». La dernière en date des catastrophes est, sans nul doute, l'épidémie de peste qui vient de frapper l'Oranie où la localité rurale de Kehaïlia dans la commune de Tafraoui, est l'unique foyer. Mise en quarantaine, cette bourgade semi-rurale de quelque 1300 habitants, est soumise à des actions prophylactiques, dont la dératisation et la désinsectisation qui sont menées par des équipes de la santé mobilisées sur les lieux aux côtés de la Protection civile et d'agents communaux. Le maire dont dépend la localité infectée dénonce l'absence d'entretien du réseau des eaux usées et la prolifération des décharges sauvages, faute de ramassage des ordures ménagères, favorisant la prolifération des rats, vecteur de cette maladie. Il avait auparavant signalé que cette commune dispose d'un seul puits d'un débit de 6 litres/seconde, précisant que l'eau était distribuée 55 minutes tous les 10 jours. Rappelons qu'après l'épidémie de peste bubonique qui a touché Kehaïlia, à 30 km au sud d'Oran, aucun cas nouveau n'a été enregistré, soutient-on au CHU d'Oran. Sachant que dix habitants de ce village, atteints de peste bubonique, avaient été admis, le 9 juin à l'hôpital d'Oran où un enfant de 11 ans est décédé quelques heures après son admission d'une peste septicémique. Pour le moment la situation serait stable et même le fait d'avoir relevé un cas au quartier Boulanger (Oussama) en plein coeur de la capitale de l'ouest, exclut l'hypothèse d'un deuxième foyer de la pandémie, vu que la victime en question aurait transité par Kehaïlia, où elle aurait été initialement infectée par la puce du rat. Ainsi avec la psychose que vivent déjà les Oranais du fait de ce mal moyenâgeux survenu en plein XXIe siècle, l'on se croirait en plein roman de Camus, auteur de La peste publié en 1947 et qui a valu à son auteur son premier succès de librairie. Ainsi écrivait Albert Camus dans sa célèbre et non moins étrangement oeuvre prémonitoire: «C'est l'été, la tension monte et l'épidémie redouble. Il y a tellement de victimes qu'il faut à la hâte les jeter dans la fosse commune, comme des animaux. La ville est obligée de réprimer des soulèvements et des pillages. Les habitants semblent résignés. Ils donnent l'impression d'avoir perdu leurs souvenirs et leurs espoirs. Ils n'ont plus d'illusions et se contentent d'attendre...» Ce ne sont là que quelques lignes d'un roman qui a bâti la peste comme une tragédie en cinq actes dont l'action se situe à Oran, une ville «fermée» qui «tourne le dos à la mer». Pourtant, le père Paneloux, l'un des protagonistes mis en scène par l'auteur dans son roman, fait du fléau de la peste l'instrument du châtiment divin et appelle ses fidèles à méditer sur cette punition divine adressée à des hommes privés de tout esprit de charité.