Il est tout à fait clair que Benhadj va faire face à une lutte intestine qui a complètement miné les structures du parti. C'est vraisemblablement Ali Djeddi qui est chargé de s'exprimer au nom du parti et c'est lui qui, hier, à deux reprises, à Belcourt puis à Kouba, a répondu aux journalistes. «Ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que les chouyoukh sont libres, c'est déjà un acquis. Les prochains jours vont déterminer notre démarche et notre politique», a-t-il affirmé à sa sortie du domicile de Ali Benhadj. Le retour du parti à la scène? Il répond: «C'est encore trop tôt pour l'aborder, mais avant de discuter du retour du parti, il faut parler du retour aux libertés confisquées et aux droits bafoués. Cela c'est une question fondamentale.» A propos de la peur que la libération des deux chouyoukh a fait naître chez certains, il dira: «Nous voulons les rassurer et les assurer de notre entière disposition à faire tout ce qui est juste et qui pourrait ramener la paix et la sécurité. Nous nous assignerons comme mission première d'oeuvrer pour la paix et la stabilité du pays et des citoyens». Voilà en gros ce que Benhadj a voulu dire par l'intermédiaire d'un Djeddi, serein, en ample gandoura blanche, et qui parlait, hier, à la presse dans la peau d'un chargé de communication aguerri aux techniques des médias. En fait, c'est l'ossature de l'ex-FIS que nous avons vu renaître dès la première journée de la libération de Benhadj. Autour des deux chouyoukh, Djeddi, Guemazi, Boukhamkham et Ghigara sont venus se greffer comme le premier cercle des proches compagnons de l'infatigable tribun des quartiers déshérités de la capitale. Le septuagénaire «Ammi» Abdelkader de Bab El-Oued, une sorte de père spirituel de Benhadj, a vite fait de s'imposer dans ce cercle comme une pièce-maîtresse du prochain dispositif politique du parti dissous, et qui représentera la sagesse et la pondération. L'AIS, branche armée du parti, en trêve depuis 1997 et autodissoute depuis le 13 janvier 2000, était représentée par le «chargé de communication» et ex-émir de Larbaâ, Mustapha Kertali, qui représentait, bien sûr, son émir national, Madani Mezrag, retenu à Jijel. La tendance Kebir-Ould Adda avait assuré sa présence à la fois par Boukhamkham et par l'AIS. De la sorte, la délégation exécutive du FIS à l'étranger s'exprimera par le biais de ces deux intermédiaires au sein du cercle décideur des chouyoukh. Ne reste qu'à savoir si la tendance Mourad D'hina qui s'était autoproclamée seule représentation officielle du FIS à l'étranger, a été présente. Dans le cas contraire, elle pourra toujours compter sur le soutien de Abassi Madani, qui avait donné à l'époque carte blanche au trio D'hina-Habès-Fillali pour organiser le controversé congrès de Bruxelles. Ce début d'esquisse de la nébuleuse islamiste de l'ex-FIS fait dresser les cheveux sur la tête des autorités. Comptant sur la «disponibilité» du ministère de l'Intérieur de faire barrage à toute action politique de l'ex-FIS à la faveur d'un procès-verbal qui a été notifié aux deux chouyoukh et qui implique une «interdiction de l'activité politique sous quelque forme que ce soit», le pouvoir espère une nouvelle fois agir avant même la constitution de la nébuleuse, en lui coupant tous les canaux de communication. Cette stratégie des tenants du néo-sécuritaire («le tout-préventif») peut s'avérer efficace pour couper court à l'action islamiste, comme elle peut se révéler d'une dangereuse inanité. Avec tous les risques à encourir.