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«La guerre c'est aussi un état de vie»
GHASSSAN SALHAB, REALISATEUR, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 23 - 06 - 2011

Il se définit comme à la fois étranger et familier à soi-même, ce réalisateur né à Dakar, fait du cinéma pour évoquer l´humanité dans toute sa complexité. Un cinéma qui lui ressemble et que le public béjaoui a découvert lors des rencontres ciné, dans le cadre d´une rétrospective des plus recherchées.
L´Expression: dans votre film Beyrouth vous faites dire à votre acteur Khalil: «Je fais comme tout le monde, j´apprends à mourir». Une phrase qui m´a interpellée et qui n´est pas loin d´évoquer une autre phrase entendue dans un film: «La meilleure façon de se suicider c´est de continuer à vivre.»...
Ghassan Salhab: Je ne me souviens pas trop du dialogue, je l´ai écrit il y a à peu près 16 ou 12 ans. C´est un homme qui s´est fait passer pour mort dans le film. Il dit «j´apprenais à mourir». C´est à la fois une ironie, puisqu´il est supposé être mort, au lieu d´apprendre à vivre hors de la mort. C´est une ironie par rapport à sa situation personnelle et à la situation de ce pays. J´ai emprunté cette phrase à Léonard de Vinci qui écrivait dans son journal: «Je croyais apprendre à vivre alors que j´apprenais à mourir». Mais pour moi, ce n´est pas une affaire de pessimisme ou d´optimisme. Je le redis, c´est un homme qui s´est fait passer pour mort et a voulu s´arracher à la mort pour pouvoir vivre ailleurs, mais il n´arrivait pas, et il ironise sur lui-même. Il le dit aussi à ce personnage dans le film qui lui a donné les papiers pour être un autre
Vous soulevez une certaine problématique de la responsabilité collective de gens qui se complaisent dans l´amnésie comme une bombe qui, un jour, va exploser à leur visage. Oublier ces fantômes de la guerre qui font mal et qui paradoxalement sont là et persistent à rester..
Oui, car on peut officiellement ou réellement décider qu´il faut oublier pour pouvoir continuer et heureusement que l´humain a la faculté d´oublier sinon ce serait foutu. En même temps, je pense qu´on oublie quand on est confronté aux choses, du coup on peut avancer. Mais pour ma part, ce n´est pas pour donner une leçon, cela ne m´intéresse pas. C´est comme un constat, c´est-à-dire nous, au Liban, nous avons des couches et des couches de guerres qui n´en finissent pas, avec cette horreur absolue qui a été faite, à la fin de la guerre officielle, car il y a eu d´autres guerres depuis... On a décidé d´une amnistie générale des chefs de guerre et évidement de l´amnistie, on s´est retrouvé plutôt avec une amnésie, donc il y a cette incapacité à faire avec notre propre passé. En même temps, je ne juge pas, car notre passé est encore présent, on n´a pas encore le recul. Vous savez l´humanité a du mal à se confronter à un passé douloureux et difficile et qu´en est-il quand ça continue au présent? on ne peut pas parler de la guerre du Liban comme si c´était une histoire ancienne, c´est encore présent et les ramifications sont encore très présentes.
C´est tout le paradoxe qui est souligné dans votre film, celui de l´attachement à cette guerre par une sorte de nostalgie qui fait dire à vos personnages que durant la guerre, finalement, on vit mieux, les rapports humains sont plus chaleureux, plus solides entre les amis, la famille, a contrario d´aujourd´hui où chacun est laissé-pour-compte, végète comme une âme en peine, ou erre dans la rue de Beyrouth comme un fantôme..
Les guerre du Liban a eu lieu de 1975 à 1991, évidemment avec des trêves, puis on savait que cela allait recommencer. La guerre c´est aussi un état de vie. Ce n´est pas une guerre d´un mois ou de deux semaines où on n´a pas le temps de se retourner. C´est un temps où l´ont peut instaurer une organisation de vie. Et à cause du fait qu´on ne sait pas si demain on va être fauché par une mitraillette ou par une bombe, cela crée des rapports très forts et très intenses avec les gens. Ça fausse un peu la normalité habituelle du temps de paix. Dans le temps de paix, on ne se dit pas demain je risque de mourir. En temps de guerre, on ne se dit pas non plus que demain je risque de mourir. On le sait déjà, pas la peine de se le dire. Donc ça donne un état d´urgence. Et l´état d´urgence exacerbe tout, les rapport amicaux, passionnels, amoureux et aussi la haine. Il y a des gens dans le film qui disent aussi que cette guerre les a détruits. Il ne s´agissait pas de dire c´est bien ou pas bien. C´est complexe. J´essaie de rendre compte de l´incroyable complexité des choses.
Dans cette après-guerre, il n´y a pas que les bâtiments qui semblent être démolis, les âmes des hommes paraissent elles aussi, en panne comme ce courant électrique dans votre film..
Ce ne sont pas tous les Libanais qui sont comme ça. Il y a des gens certes qui ont la nostalgie du temps de guerre parce qu´ils se sentaient bien plus vivants et il y a d´autres que la guerre a détruits et les deux sont des vérités et pourtant elles ont l´air contradictoires. C´est ce que je voulais dire par la complexité de l´humanité. Les guerres, ce n´est pas nouveau, et il y a beaucoup de moments de trêves entre elles. Mais comme on ne veut pas voir les choses, on dit que les temps de guerre sont exceptionnels. Non, ce sont des temps très récurrents à l´humanité. Nous, au Liban, depuis 1943, on a eu l´indépendance, il y eut 1958, la guerre de 1973, puis celle de 1975 et aujourd´hui, on n´en finit pas par toute sorte de guerre. C´est beaucoup plus que l´histoire officielle. Si on veut parler en Etat nation de 1943 à 2011, cela fait environ 68 ans, sur ce chiffre, il y eut quand même à peu près entre 35 et 40 ans de guerre, c´est quand même énorme. En même temps, comme on est dans une situation particulière, on aurait pu se laisser abattre, mais on est dans une réaction permanente. C´est en même temps un danger, car dans la réaction, on n´agit pas, on réagit. En même temps, moi en tant que cinéaste, je ne suis pas là pour donner des réponses.
Pourquoi choisir toujours les mêmes acteurs dans la plupart de vos films?
Pas tous. C´est une famille qui grandit. Je n´ai pas d´enfants dans la vie, mais dans l´écran (sourire). Je ne voit pas ça comme des acteurs. Evidemment, ils sont acteurs le temps d´un film, mais ce sont des êtres humains que je découvre et sincèrement, entre un très «bon acteur», mais qui ne me parle pas et un autre humain passionnant, mais qui n´est pas forcément un très bon acteur je choisirai le second. Ce sont donc des gens que je connais et que j´ai appris à aimer, que je fréquente. J´ai donc un plaisir à les redécouvrir en les mettant dans de nouvelles situations. Mais, j´en ajoute. Ce ne sont pas toujours les mêmes.
En parlant de vous-même, vous dites souvent être «étranger et familier» à vous-même.
Je ne me sens pas du tout perdu, au contraire, je sens cela comme un enrichissement. Evidemment, il y a des moments où cela me met dans des mélancolies incroyables. Je suis étranger et familier pas seulement à moi-même, à vous, à cette situation bizarre, (l´interview), à ces lieux.
Parvenez-vous facilement à vous attacher aux gens et aux lieux?
Oui, je suis même très amoureux d´une femme, mais ce n´est pas la question. J´aime beaucoup le quartier ou je vis à Hamra Beyrouth. Il m´étouffe, mais en même temps c´est un état d´être. Ce que je ressens n´est pas de l´ordre de l´explication, mais une sensation très forte. Evidemment je m´attache.
Etes-vous comme un de vos personnages amoureux de la ville de Beyrouth?
Je n´y suis pas attaché mordicus. Je suis attaché à des êtres humains, oui. Je suis plus attaché aux êtres humains qu´aux nations. Vous savez, quand vous êtes attaché à quelque chose à la fin, à un moment donné, vous étouffez. Vous avez envie de prendre de la distance pour respirer. Mais moi, j´ai ça presque naturellement, de par ma naissance, je suis Sénégalais, je suis Libanais, j´ai eu des déplacements permanents. Et puis peut-être de par mon caractère...
Vous avez dit l´autre jour que votre cinéma n´a pas la prétention de faire bouger les choses..
En gros, je dis que je ne crois pas que le cinéma va bouleverser le monde. Il peut bouleverser par contre des individus. Et comme les individus font partie du monde, c´est déjà pas mal. Mais je ne crois pas qu´il puisse bouleverser l´organisation du monde. Ça peut toucher des gens et laisser des traces pour nous faire ouvrir un regard.. tout à l´heure, un spectateur a dit que le personnage lui laissait, à lui, la place en tant que spectateur pour réfléchir. Ça m´a profondément touché et je n´ai pas voulu en rajouter. Car il a dit tout lui- même. Cela veut dire que grâce à ce film, j´ai peut être réussi à ce qu´un spectateur se dise: «tiens, le cinéma peut me permettre de donner à cette chose étrange qu´est un être humain sa place au mystère» et donc à moi de voir comment je peux combler ça.. Que le cinéma fasse tomber des dictatures, ça non...
A votre avis, sommes-nous contraints de parler de la guerre dans un pays ravagé par celle-ci, l´engagement devrait-il s´imposer de facto....Ne peut-on pas, même dans ce genre de contexte, se rattacher simplement à soi-même et faire des films personnels, plutôt intimes?
Vous avez bien vu mon film 1958, O.K., il y a l´histoire collective, mais aussi l´histoire individuelle.
Evidemment que l´on peut. Moi, je ne fais pas de films engagés, cela ne m´intéresse pas. Des films engagés cinématographiquement, oui. Je ne fais pas de cinéma militant du tout. Je ne vois pas pourquoi, parce qu´on est du tiers-monde et qu´on est dans des régions de m..., il faut être à chaque fois, un porte-parole, non. Tout est permis y compris dans la trajectoire d´un cinéaste, il peut passer d´un film à un autre, revenir à affronter frontalement le temps de guerre comme faire l´histoire d´un homme et une femme, car j´ai un projet comme ça, qui sont quelque part en pleine nature au Liban, au bord d´une rivière...en même temps, il faut savoir une chose, quand la guerre a commencé, j´avais 17 ans, évidemment que ça me marque mais on n´est pas forcé d´être direct. Ça peut être tellement indirect, qu´on n´en parle même pas. Elle fait partie de moi, ce n´est pas un sujet, c´est moi. Le temps de guerre, ce n´est pas un sujet, cela en fait partie.
Peut-on connaître votre actualité et vos projets?
J´ai fait un film qui s´appelle La montagne qui va prendre part au Festival de Marseille, en juillet, sinon j´ai trois projets qui sont hors de Beyrouth. Je veux quitter un peu Beyrouth, car je n´arrive pas à la regarder, je la subis. Je viens de finir La Montagne. Je vais faire un autre film dans la pleine de la Bekaa au Liban, en haute montage, puis après dans une espèce de vallée, puis cette histoire entre cet homme et cette femme. Mais bon, la vérité des choses, parfois nous fait dévier, mais en tout cas, c´est ça mon ambition actuellement.


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