Les scientifiques et observateurs se perdent en conjectures alors que la panique progresse plus vite que le mal lui-même. La peste est devenue aujourd'hui une réalité amère et incontournable surtout pour les habitants des localités de l'ouest du pays, qui se sont réveillés avec la sensation d'un boxeur sorti un knock-down. Ils récoltent aujourd'hui le fruit de la nonchalance de leur démission collective face au manque de civisme de certains. Mais ce qui les intrigue le plus, aujourd'hui, c'est la rapidité avec laquelle se déplace la maladie pour toucher d'autres localités, d'autres citoyens. La bactérie du Yersin s'est jouée de toutes les barrières érigées devant elle pour se balader d'un point à un autre de l'ouest du pays sans que l'on arrive à définir son mode de transmission. Un médecin du CHUO, interrogé sur ce phénomène qui commence à inquiéter les responsables se montrera plutôt rassurant en déclarant que «les agents responsables des pathologies s'adaptent aux nouvelles formes de lutte qui leur sont opposées. Un virus peut facilement devenir résistant à tel ou tel autre type de médicament», dira-t-il. Ces propos n'apaisent pas la polémique née au lendemain de l'apparition d'autres cas de la peste dans différentes régions de l'Ouest. Il s'est trouvé même des citoyens qui ont pensé à un complot ourdi par des mains occultes à des fins qui restent à connaître. Mais allez savoir lesquelles. Il est vrai que la progression de la maladie dans l'ouest du pays ne répond pas à une logique naturelle et que l'implantation des zones infectées ne répond pas à une suite géographique logique. En effet, Kehaïlia, premier foyer est enclavé au sud d'Oran et n'a pas de façade ou de zone de contact avec Aïn Temouchent, Mascara ou encore Ghazaouet. C'est comme si une main malveillante avait pris des souches de la bactérie du Yersin pour les semer aux quatre coins de l'Ouest du pays. Les experts de l'OMS en visite à Oran avaient évoqué l'éventualité d'un foyer naturel qui se serait déclaré à Kehaïlia. En un mot, la bactérie responsable de la peste aurait voyagé des zones infectées en empruntant les courants éoliens et aurait trouvé à Kehaïlia de bonnes conditions pouvant lui assurer sa reproduction pour devenir une véritable menace. Un entomologiste rencontré à Oran plaidera pour cette thèse «car, dira-t-il, pour affirmer que le rat est responsable de l'épidémie qui s'est déclarée à Kehaïlia, il faudrait retrouver un minimum de 680 à 700 rats infectés sur 1000. Ce sont ces normes qu'il faudrait prendre en compte pour lancer une campagne de dératisation ou utiliser les schémas classiques de lutte contre la peste». Dans le foyer de Kehaïlia les entomologistes se sont retrouvés à compter les mouches et seuls une vingtaine de rats ont été capturés dont 3 seulement ont été déclarés atteints de peste. La raison est toute simple: les équipes envoyées par l'APC pour procéder à la dératisation du site ont réalisé un épandage qui ne répond pas aux normes universellement reconnues. C'est ce qui a poussé les rongeurs à fuir la région. Ceci pourrait dans une mesure très réduite expliquer les cas apparus à Zaghloul et Aalaïmia dans la wilaya de Mascara, mais pas ceux de Ghazaouet, Beni Saf, Saïda ou encore Ain Temouchent. Alors comment s'est faufilée la peste vers ces régions? C'est la question qui continue d'être posée, même si certains Oranais pour ironiser évoquent une attaque comparable à celle de l'Anthrax, qui avait visé les Etats-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre. Où est la part de vérité dans cette affaire, mais de là à penser que nous sommes en face d'une attaque bio-terroriste il n'y a qu'un pas que certains ont franchi allégrement.