La maladie ne cesse de progresser dans l'Ouest du pays. Les discours lénifiants et les déclarations rassurantes ne suffisent plus aux citoyens de l'Ouest du pays. Presque chaque jour, de nouveaux cas de peste bubonique, que l'on persiste à présenter comme isolés, sont annoncés dans plusieurs wilayas. Les pouvoirs publics se trouvent maintenant avec trois foyers de peste, et il n'est plus possible de nier ou de cacher l'évidence. La situation sanitaire et épidémiologique est des plus inquiétantes. Et il ne s'agit pas de faire dans l'alarmisme. Depuis l'apparition des trois derniers cas — deux près de Zahana (Mascara), un adulte et un bébé de dix-huit mois, et un à Béni Saf, une fillette de sept ans —, la panique semble s'emparer de la population et pas seulement à Oran. En effet, des vacanciers du Centre du pays, habitués à passer leur congé annuel à Oran, ont annulé cet été leur location. Un réflexe qui risque d'aller en s'accentuant si le ministère et les autorités locales ne consentent pas à fonctionner dans la transparence la plus totale. Le professeur Kellou, qui était, hier, à Oran en compagnie de la délégation de l'OMS qui a tenu un point de presse, a justement voulu jouer la transparence en reconnaissant, à la question “pourquoi cette situation maintenant et ici à Oran ?”, qu'il n'y avait en fait pas de réponse à donner. Pour l'orateur, la phase d'urgence par laquelle les autorités sont passées va devoir être suivie d'une seconde, celle des enquêtes et investigations épidémiologiques, de l'étude des rongeurs et des puces. C'est dans ce cadre surtout que les experts de l'OMS vont pouvoir agir et apporter leur concours, nous dira-t-on. Le professeur Kellou tiendra à signifier que la venue des experts de l'OMS était chose normale : “La peste est une maladie à déclaration obligatoire du point de vue internationale…” Quant au nombre de cas recensés depuis le début du mois de juin, l'intervenant signalera qu'hormis le cas de Béni Saf qui est à plus de 100 km d'Oran, tous les autres étaient circonscrits dans un rayon de 10 à 15 km, cela pour signifier qu'“il n'y a pas d'extension de la peste…” Une autre façon de répondre à la presse accusée de “dire” n'importe quoi alors qu'il lui est impossible de recueillir des informations officielles. F. B. CONFERENCE DE PRESSE DES EXPERTS DE L'OMS Des questions et peu de réponses M. Eric Bertherat, chef de la délégation de l'OMS — composée de quatre spécialistes en bactériologie, épidémiologie et entomologie, un cinquième spécialiste devrait arriver aujourd'hui à Oran —, s'est déclaré d'emblée satisfait, car toutes les procédures qui ont été entreprises par les autorités algériennes depuis la déclaration des premiers cas de peste. Celui-ci ira même jusqu'à féliciter l'équipe médicale du CHUO qui avait fait le diagnostique. “Quand on sait qu'aucun cas de peste n'a été déclaré en Algérie depuis 50 ans, le diagnostique clinique a été très bien assuré y compris la prise en charge médicale...”, dira l'intervenant. Plus loin, il fera remarquer que même au niveau de la population de Kehaïlia, il n'y avait pas eu de mouvement de panique. Et d'ajouter : “La chaîne épidémiologique a bien fonctionné, puisque c'est une personne âgée qui a réagi en constatant le nombre de malades au niveau du village et qui a prévenu l'infirmier. Celui-ci informera ses supérieurs. On ne pouvait attendre mieux...” Abordant les prochaines phases qui attendent les experts de l'OMS et leurs confrères algériens, M. Bertherat dira qu'il va falloir effectuer des investigations pour connaître le mécanisme, savoir si la bactérie est venue d'ici ou si elle est revenue, car l'Algérie n'était pas considérée comme un pays où pouvait figurer un foyer naturel de peste : “Cela va demander des semaines pour toutes ces investigations. Des captures de rongeurs sauvages et domestiques vont être menées pour découvrir où se situe le réservoir de puces qui transmet la peste.” Le représentant de l'OMS sur ce point déclarera que les analyses pratiquées sur les premiers rongeurs étaient toutes négatives, contredisant ainsi le wali qui, la veille, s'était empressé d'affirmer le contraire. Pour l'heure, les recommandations de l'OMS sont d'éviter tout contact avec les rongeurs, contrôler les ordures, informer la population, et qu'aucune opération de dératisation ne soit menée. Quant au nombre de cas définitifs de peste qui ont été comptabilisés selon les critères de l'OMS, il serait, aujourd'hui, de “dix cas certains ou probables de peste bubonique dont deux septicémiques”. Nous reviendrons plus longuement sur cette situation dans nos prochaines éditions alors que la mission des experts de l'OMS sera achevée samedi. F. B.