A en croire les spécialistes, la capitale serait également un autre foyer éteint de la peste. Alors que d'autres cas pourraient encore être déclarés à l'Ouest du pays, tous les ingrédients sont réunis pour son émergence dans l'Algérois, disent les spécialistes au fait de l'historique de l'épouvantable pandémie. D'autant plus qu'Alger a, par le passé, eu à connaître ce mal. L'on signale ainsi qu'en 1930, 70 cas de peste bubonique ont été recensés dans la capitale. Bien plus tard, dans les années 1940 alors que la Tunisie et le Maroc subissaient les sévices de cette maladie, l'on signalait l'apparition de la peste au port d'Alger en 1943 (chez les rats uniquement). Plus inquiétant encore est le fait que le réservoir de la maladie (les rongeurs) est potentiellement large et que les investigations scientifiques, toujours en cours, n'ont pas encore livré tous leurs secrets, après la récente émergence du mal médiéval à Kehaïlia, bourgade située à trente kilomètres de la capitale de l'Ouest, Oran, où l'on a recensé 52 personnes hospitalisées, dont 10 cas de peste avérés. Rappelons qu'un enfant de 11 ans est décédé des suites d'une peste septicémique, quelques heures après son hospitalisation, le 4 juin dernier. Désormais, les experts en prévention, exhortent la population à faire attention à tous les signes annonciateurs de cette maladie, comme la prolifération anormale des rats ou leur mort inexpliquée. Car cet été, où une flambée épidémique, sans précédent, s'empare des zones les plus peuplées du pays, aucune ville n'est à l'abri. Alger est particulièrement menacée, avec la présence de décharges sauvages à ciel ouvert et la détérioration des réseaux d'assainissement. L'apparition de la peste est, en effet, favorisée par des conditions de vie engendrées par la pauvreté dans des environnements plus ou moins propices à la diffusion de la maladie: prolifération de l'habitat précaire, égouts à ciel ouvert, gestion aléatoire des déchets ménagers et absence de campagne de désinfection, de dératisation ou de désinsectisation. Les décharges sauvages, particulièrement, attirent une noria de facteurs de nuisance tels insectes, chiens, chats errants et rongeurs, vecteurs principaux de contagion. «Les mauvaises conditions d'hygiène font le lit de la maladie», déclare le professeur Bouguermouh, virologue, qui ajoute qu'en pareil cas, la population est aussi responsable que les autorités dans la préservation de son cadre de vie. L'amélioration de l'hygiène devient donc plus qu'une évidence: une nécessité vitale. Si la peste a cette fois frappé à l'Ouest, il n'est pas dit que le génie évolutif du bacille de Yersin ne persévère pas encore dans son oeuvre noire et frapper ailleurs. Emergente, la peste vient de reparaître à l'Ouest, cependant on sait qu'elle a provoqué au Maghreb des épidémies meurtrières à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Elle frappa nos régions par trois fois : en 1784, elle touche la Tunisie et l'Algérie, mais épargne le Maroc. Elle sera très sévère à Mascara (1790 -1791). En 1793, elle frappe à nouveau l'Algérie ou elle persiste dans l'Ouest du pays jusqu'en 1800. En 1817, accompagnant les pèlerins venant d'Alexandrie, elle envahit l'Algérie et les pays voisins. Un écrit de Annaba témoigne des ravages que la peste y a fait. Elle sévira en Algérie jusqu'en 1822. Le ministère de la Santé exclut, pour le moment, tout cas de peste pulmonaire, une forme extrêmement grave de l'affection médiévale. L'on rassure que les médecins algériens sont prêts à prendre en charge tout cas déclaré.