De quel monde nouveau ces révoltes enfanteront-elles? Plusieurs mois après l'immolation par le feu d'Al Bouazizi, les régimes arabes n'ont toujours pas étouffé la flamme de la révolte. Le Sud-Soudan proclame son indépendance, les rebelles libyens continuent leur avancée vers Tripoli, les Egyptiens occupent la place Tahrir et les Syriens crient à tue-tête leur rejet du régime de Bachar Al Assad. Ce sont là quelques faits saillants de la semaine dans le Monde arabe. Et ce n'est pas fini. Le Maroc post-référendum électoral n'a toujours pas retrouvé son calme alors que l'autre voisin de l'Algérie, la Tunisie, sombre chaque jour un peu plus dans la crise économique sans se débarrasser du spectre islamiste. Au Moyen-Orient, l'ébullition ne cesse toujours pas au Liban suite aux conclusions de la commission d'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Pour ne rien arranger, le Yémen continue toujours sa révolution dans l'espoir de ne plus revoir le président Ali Abdellah Saleh remettre les pieds au pays. Ceux d'entre eux qui sont sous occupation étrangère, comme l'Irak et la Palestine, ne sont pas en marge de ce mouvement, car ils cherchent, eux aussi, des opportunités d'en finir avec cette domination qui ajoute aux complications de cette zone. Il n'y a que le Bahrein qui a reconquis son calme suite à l'intervention des forces armées de certains pays du Golfe. Mais pour combien de temps encore? Les étrangers sont d'ailleurs bien présents en Libye avec l'intervention occidentale grâce au soutien de l'Otan. Dans ce chaos, Al Qaîda au Maghreb islamique ainsi que les autres branches de la nébuleuse dans différentes parties du monde comptent bien jeter de l'huile sur le feu. Aqmi s'est empressée de faire allégeance au nouveau leader d' Al Qaîda et promet de s'en prendre à la coalition occidentale en Libye. C'est suffisant pour réveiller les craintes de l'Algérie qui redoute fort un embrasement sans fin dans la région. Le ministre chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, l'a encore redit avant-hier: la circulation des armes pillées des stocks libyens se déversent sur l'Algérie nourrissant par conséquent la force de frappe des terroristes. Les défis pour l'Algérie proviennent aussi du Sud puisque les pays du Sahel sont toujours sous la menace des hordes terroristes. C'est dans ce contexte qu'intervient la visite du ministre tunisien des Affaires étrangères en Algérie. Auparavant, c'était le ministre des Affaires étrangères, Medelci, qui s'était envolé pour la Pologne pour s'entretenir avec les nouveaux dirigeants de l'Union européenne pour les 6 prochains mois. La préparation de la conférence Sahel-Occident sur le plan de la lutte contre le terrorisme aurait, selon toute logique, été eu centre des discussions lors de ces deux déplacements. L'Algérie et d'autres pays africains ne rateront pas l'occasion du rendez-vous prochain pour plaider leur cause en faveur d'une solution pacifique au conflit libyen et à d'autres foyers de tension ensuite. Mais la situation est tellement explosive qu'il est peu probable de parvenir à des accords sur tous ces sujets. La réaction syrienne suite à la visite de l'ambassadeur des Etats-Unis à Hama augure de la persistance de relations compliquées entre l'Orient et l'Occident. L'intervention de ce dernier bloc dans le monde arabe ne fait pas l'unanimité. Le tollé soulevé suite au parachutage des armes françaises en faveur des rebelles libyens a conduit la France à renoncer à cette stratégie pour faire chuter le régime d'El Gueddafi. Aux yeux des populations arabes, ce n'est pas le seul régime qui doit chuter. Quelques exemples suffisent pour illustrer cette tendance. Les Egyptiens ne nourrissent pas d'autre espoir que celui-là en investissant la place Tahrir. A Sanaa, capitale yéménite, à Damas, en Syrie, mais surtout dans d'autres villes, on s'accroche toujours à la volonté de voir de nouveaux visages au sommet de la pyramide politique. Le Maroc échappe à cette règle. Mais en dépit de l'approbation par une large majorité, d'un référendum d'amendements constitutionnels limitant les pouvoirs du roi, des manifestations continuent. Des milliers de manifestants ont demandé davantage de réformes politiques à Rabat, Casablanca et Tanger. Jeudi dernier, des émeutes ont eu lieu à Khourigba, Hattan et Boujniba. De quel monde nouveau ces révoltes enfanteront-elles, se demandent les chancelleries étrangères? Depuis plus de 6 mois que Al Bouazizi s'est immolé par le feu au sud de la Tunisie, la question reste toujours posée. Mais les analystes misent déjà sur un affaiblissement du courant islamiste radical. Ils en veulent pour preuve le fait que ce ne sont pas les islamistes qui ont été les initiateurs des révoltes. Certains souhaitent qu'elles ne soient pas récupérées par eux.