La politique équilibriste que le «cheikh-président» a léguée à ses disciples a du mal à résister aux assauts des cadres restés sans voix durant des années. Le parti de feu Mahfoud Nahnah, un des principaux soutiens actifs de l'Etat durant la décennie noire et un allié stratégique du Président Abdelaziz Bouteflika, est, du coup, soumis à rude épreuve. Quel sera le successeur de Nahnah et quels seront les contours stratégiques de la politique du parti à l'approche d'échéances cruciales pour le pays? Après une courte période de grâce ayant suivi la mort de Mahfoud Nahnah, les cercles intéressés par la succession au sein du Mouvement de la société pour la paix (MSP) s'agitent dans tous les sens. Les bureaux d'Alger et de Mascara ont donné le ton hier en réaffirmant, à l'issue de réunions extraordinaires de leur madjliss echoura, leur attachement à la ligne médiane du parti et leur ferme volonté de faire réussir le 3e congrès prévu du 5 au 7 août prochain. Les deux wilayas se disent également résolues à barrer la route à toute décision qui serait prise en dehors du congrès, seule instance habilitée à prendre toute décision engageant l'avenir de cette formation politique. Cela dit, cette sortie médiatique donne à penser qu'il s'agirait d'une réponse «synchronisée» que les fidèles à la ligne du fondateur du MSP voulaient apporter à une tentative de faire fléchir l'orientation du congrès du mois d'août. Ou bien encore il s'agirait d'une riposte à des actions passées ou à venir et visant à tenir un congrès parallèle. Le madjliss echoura de la wilaya d'Alger laisse peu de doute sur l'existence de manoeuvres dans les coulisses du parti. «Il faut faire échec aux tentatives de déstabilisation du mouvement» et «il faut se méfier de l'influence que subit actuellement le mouvement dans le but de lui faire adopter des choix bien déterminés», peut-on lire dans le communiqué sanctionnant la réunion extraordinaire du madjliss echoura de la wilaya d'Alger d'hier. De quelles tentatives et de quels choix s'agit-il? Le communiqué du bureau d'Alger du MSP, deuxième fief du parti de Nahnah après Blida, est resté muet sur la question. Cependant, il n'est un secret pour personne qu'un bras de fer oppose les partisans de la fidélité à la ligne médiane tracée par le défunt cheikh, autrement dit le maintien des alliances tissées avec le Président Bouteflika et les différentes institutions de l'Etat, voire la participation au gouvernement et ceux qui se réclament de l'autonomie du mouvement, sous influence du mouvement des Frères musulmans. De son côté, le MSP de la wilaya de Mascara, qui s'est réuni vendredi dernier, a, lui aussi, réaffirmé sa «totale disponibilité à réussir le troisième congrès du mouvement», dans un communiqué que nous avons reçu hier. Cette instance du parti a tenu par ailleurs à «dénoncer l'offensive médiatique parasitaire» dont fait l'objet le parti et «met en garde les militants contre l'influence de celle-ci sur leurs actions». Le communiqué de la wilaya de Mascara suggère que les partisans d'un changement de ligne au sein du MSP se serviraient de la presse pour faire leur campagne. Pour beaucoup, la politique équilibriste que le «cheikh-président» a léguée à ses disciples a du mal à résister aux assauts des cadres restés sans voix durant des années. Même si, jusqu'à présent, le parti a été prémuni contre une fronde violente à l'image de celles qui ont ravagé les partis siégeant au gouvernement, voire qui se réclame la première force politique du pays, cette sortie médiatique du mouvement à Alger et à Mascara laisse penser que les jours qui nous séparent des assises du MSP ne seront pas de tout repos. Le retour du tout-sécuritaire dans le discours politique officiel est un élément catalyseur pour les «radicaux» du mouvement. Au rythme où vont les choses, c'est la participation du MSP au gouvernement qui pourrait demain être remise en cause. Et au cas où le parti de feu Nahnah, troisième force dans l'Exécutif, déciderait de ne plus se plier à la solidarité gouvernementale, cela constituera, à coup sûr, un sérieux revers pour le Président Bouteflika.