Les muftis d'Orient agacent Ghlamallah La fatwa est un exercice pratiqué sur les chaînes satellitaires de façon, parfois, totalement anarchique, entraînant des dommages considérables. Dans les médias et sur Internet, le «chaos des fatwas» des chaînes sattelitaires ultra-conservatrices inquiète plus d'un. Des spécialistes se sont élevés contre «la fraude» dans les fatwas, en mettant en garde contre celles qui sont émises par des chaînes satellitaires étrangères et ceux qui les promulguent en les comparant à des «commerçants écoulant de la marchandise frelatée». Lors d'une journée d'étude organisée mardi à Alger par la Radio Coran, à l'occasion du 20e anniversaire de sa création, contre les fatwas émises par certaines chaînes satellitaires religieuses étrangères, les spécialistes ont mis en garde contre les programmes de ces chaînes, les qualifiant de «dangereux», estimant qu'ils sont un produit intérieur destiné aux populations des pays auxquels appartiennent ces chaînes. «Ces derniers sont marqués par des conflits entre chiites et sunnites, et autres confessions inexistantes en Algérie, ce qui influe négativement sur le citoyen algérien», a indiqué le Dr Ahmed Adhimi, professeur à l'Université d'Alger. Organisée sous le thème «Vingt ans au service de la religion et de la patrie», les participants ont souligné que ces chaînes religieuses ont une influence négative sur le téléspectateur algérien, en raison de leurs fatwas. «Une grande partie des Algériens ont un niveau d'instruction limité. Ces fetwas se répercutent négativement sur eux et sur la sécurité nationale et certaines de ces chaînes ont fait des jeunes Algériens des criminels durant les années 80 et 90», a-t-il ajouté. Le professeur a, en outre, mis en garde contre ces fatwas où la religion régit les moindres aspects de la vie quotidienne, et que ces chaînes appellent à déterminer qui est habilité à les promulguer. Pour sa part, le Dr Ahmed Idris, professeur à l'Université d'Oran, a indiqué que certaines fatwas émises par ces chaînes arabes ont autorisé la cigarette durant le mois de Ramadhan, rappelant que le nombre d'Algériens ayant contacté ces chaînes a atteint 25 sur 100 communications programmées, ce qui reflète l'intérêt porté à ce genre de chaînes. Selon le rapport trimestriel du site islamique «al-fiqh al-islami» (le droit musulman), paru au dernier trimestre 2010, celui-ci a répertorié plus de 4000 fatwas émises sur onze chaînes satellitaires en l'espace de trois mois seulement. L'Arabie vient en tête des 17 pays qui proposent des programmes de fatwas. Le site, qui est supervisé par des juristes golfiens, essentiellement des Saoudiens, estime que «la fatwa est désormais un exercice pratiqué sur les chaînes satellitaires de façon, parfois, totalement anarchique, entraînant des dommages considérables, affaiblissant la valeur de la fatwa et le rôle du mufti aux yeux du public». S'agissant des lacunes, le Dr Ahmed Idris a expliqué que ces chaînes n'évoquent pas les véritables problèmes de la nation musulmane et manquent de professionnalisme. Par ailleurs, les participants ont estimé que le message religieux doit être ciblé et précis et s'adresser aux citoyens dans un langage simple basé sur la sagesse, les arguments scientifiques et la logique, tout en évitant les tensions confessionnelles et les débats politiques. «Interdit à la femme de s'asseoir sur une chaise ou de surfer sur Internet en l'absence d'un tuteur», voilà un exemple de dérives que les Algériens peuvent suivre paisiblement sur leur écran. Plus grave encore, «interdit de jouer au football ou d'apprendre l'anglais»... Le champ du licite se réduit comme une peau de chagrin sur les chaînes satellitaires, un souk juteux pour les marchands de fatwas. Ainsi, l'intérêt porté par les Algériens à ces chaînes arabes religieuses risque de porter atteinte à la sécurité nationale et au devenir du peuple algérien.