Madani est un sympathique usurier. Houari son adversaire lui doit 4,400 milliards. Maître Samir Belguimbour, Maître Naouelle Hamroune et Maître Djamel Boulefrad faisaient face à Rabah Ouriachi, le président de la section correctionnelle du tribunal de Blida pour une histoire d'émission de chèque sans provision. D'emblée, Maître Belguimbour prend le taureau par les cornes. Il introduit deux questions préjudicielles tournant autour d'arrêts de la Cour suprême ordonnant l'annulation des procédures dans ce cas de délit. Maître Boulefrad réplique immédiatement en produisant des documents. Maître Hamroune explique, à son tour, que ce genre de dossiers donne naissance à des malentendus surtout si les démarches allant vers l'amiable avant de s'adresser au pénal, n'aboutissent pas. Non convaincu, Maître Boulefrad rappelle avec plaisir que dans ce tribunal, le même dossier a atterri sur l'annulation des procédures. «Ce document présenté ce dimanche n'a aucune valeur. Ce n'est pas un précédent comme document, mais un «supplément» juste pour corriger les bévues commises par les procédures.» Le procureur met son grain de sel pour éclairer le tribunal, pour ce qui est de l'opportunité des poursuites. Il s'engage même à débattre l'article de loi pour ce qui est de l'annulation des procédures et les conditions dans lesquelles elles ont lieu. Ghebache, le parquetier suit: «Le parquet attend dix jours avant de poursuivre», dit-il avec une gestuelle qui en dit long sur sa compétence dans ce domaine de l'émission de chèque sans provision. Maître Boulefrad donne même une info pour ce qui est de la non-application des décisions, selon le président de la cour de Blida qui avait réuni récemment les avocats de Blida pour dégager le terrain miné par les nombreux incidents qui surgissent de temps à autre entre les magistrats et les avocats. «Le président de la cour nous a priés de dénoncer ces états de faits», marmonne-t-il avant que l'avocate de Boufarik, Maître Hamroune ne s'élève contre les instructions données lors de conférences et séminaires: «Aussi bien l'avocat que le magistrat, nous sommes tenus d'obéir à la loi et à la seule loi!», avait balancé le défenseur qui a lancé des calembours en direction des banques... Presque agacé, Ouriachi, le juge du siège a souri comme pour exprimer son ras-le-bol, car ces questions préjudicielles et le débat instauré autour, ont pris plus de la moitié du temps imparti à un procès entier. Il est vrai que depuis un bon bout de temps déjà, les nouvelles procédures, entrées en vigueur, ont du mal à s'incruster dans le subconscient des gens. C'est dire la nécessité et l'utilité de constituer un avocat. Surtout avec 4,400 milliards. Le certificat de non-paiement demeure une pièce maîtresse des poursuites. L'inculpé est enfin interrogé sur le montant du chèque, la date de l'émission et surtout les circonstances. Devant la docilité de l'inculpé, les débats avancent. Madani A., la victime, explique clairement les circonstances dans lesquelles ont eu lieu les remises de chèques. Devant l'énormité des dettes, il m'a proposé de me remettre un chèque, car il n'avait pas de liquidités sur lui. Il a reconnu les dettes. Il a rempli le chèque qu'il a lui même signé avec le sourire, a raconté Madani avec beaucoup d'émotion, surtout que Maître Boulefrad avait commencé à chercher la déstabilisation autour de l'adresse donnée sur la plainte. Maître Belguimbour réclame une copie du procès-verbal établi chez le notaire. Maître Hamroune trouve cette demande osée: «Cela relève des attributions du parquet!» Ouriachi sent l'arrivée inopportune de l'incident. Il invite la partie civile à plaider: «Maître Boulefrad nous sort le lieu de résidence de la victime», dit d'emblée, Maître Hamroune qui se jette à l'eau pour exprimer son ire autour de l'émission de chèque sans provision! Elle s'élève même sur ce qu'elle a appelé les...appels du pied vers le non-lieu qui n'a pas pu être retenu même par la chambre d'accusation. «Il y a un procès-verbal établi par un notaire qui ne peut être démenti ni démonté. L'inculpé prétend avoir effectué des versements, où est donc le procès-verbal alors?», s'est écriée l'avocate qui a dit que la mauvaise foi y est, que le délit y est et que personne n'en veut à l'inculpé qui est responsable d'avoir remis un chèque sans provision. «Le tribunal sait maintenant que 4,400 milliards sont en jeu et nous réclamons 20.000 dinars de dommages et intérêts.» Pour l'inculpé, Maître Belguimbour et Maître Djamel Boulefrad vont tout tenter pour expliquer que Houari a signé un procès-verbal à la suite d'opérations commerciales sans gravité. «Le chèque a été remis le même jour que la rédaction du procès-verbal», s'est écrié le jeune avocat qui a ajouté, que son client avait déposé plainte contre la victime pour abus de confiance», a articulé le défenseur qui refuse tout amalgame dévastateur pour le cours des débats. S'étalant sur l'historique de ces histoires où le malentendu a tout détruit, le conseil a regretté que l'amiable n'ait pas eu le dessus. «Oui, comme on ne cesse de le ressasser, un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès», dit-il. Lui succédant, Maître Boulfrad refuse de gonfler les faits. «Notre client subit des mots durs depuis que les débats ont commencé (un incident est vite étouffé par Ouriachi qui n'a pas supporté une remarque de l'avocate, qui est notée.) L'avocat de Blida reprend sa plaidoirie avec plus de détermination. «Ce problème d'une pièce versée, non enregistrée c'est donc un certificat de complaisance à éloigner. Ce document ne reflète nullement la physionomie de ces débats. Il n'y a aucun fondement juridique qui est susceptible d'être gardé et donc brandi. Evoquant lui aussi le Code du commerce, l'avocat de Houari Mohamed profite de ce que sa plaidoirie s'étale en longueur, balance six mots d'excuses en direction du juge qui aura, plus tard, l'occasion d'empêcher toute réplique, estimant que ce dossier a eu trop de temps. Le tout, dit sur un ton fâché, un ton que seul ce sacré Rabah Ouriachi sait prendre. Et ce n'est pas cette non moins sacrée Souad Soultana-Adda, qui saura nous contredire. Effectivement, Maître Boulfrad étalera tout son savoir-faire pour attirer le tribunal dans le camp des arguments de la défense, poussant Maître Naouel Hamroune à protester timidement, plus timidement que d'habitude. L'affaire a été mise en examen, ce qui va réjouir cet autre sacré procureur qui était là, assis, tapi dans et sur ce siège propre aux rudes et inexorables poursuivants...