Pris d'assaut par les vendeurs de l'informel qui en ont fait leur nouveau temple, le marché des fruits et légumes de ce quartier populaire de la banlieue d'Alger s'est rétréci comme peau de chagrin, au grand dam des riverains. Il est onze heures. Le soleil est presque au zénith. Malgré la chaleur étouffante, des centaines d'habitants de la commune de Bachdjarrah ont pris d'assaut l'artère principale, transformée en un gigantesque marché à ciel ouvert. Les vendeurs, en majorité issus de l'informel, ont squatté tous les espaces, au grand dam des riverains et des commerçants légaux qui sont nombreux à s'élever contre cette concurrence qu'ils jugent à la fois injuste et déloyale. Assiégés de toutes parts, beaucoup souffrent de cette situation et accusent les autorités de les avoir abandonnés. S'adressant à un jeune vendeur qui avait tenté de s'installer, juste à l'entrée de son magasin, un commerçant n'a pas hésité à gronder l'intrus en lui recommandant d'aller voir ailleurs. Un commerçant voisin, qui avait assisté à toute la scène s'insurge. Selon lui, «ces vendeurs ne respectent personne. Leur seul désir est de gagner de l'argent». Installés tout le long de la rue commerçante, les squatters règnent en maîtres sur la place. Des dizaines de camionnettes garées à proximité, ont supplanté le marché resté mystérieusement fermé. Profitant de ce vide, les vendeurs ont fait monter les prix de certaines denrées pourtant, de saison. C'est le cas de la pomme de terre vendue entre 45 et 60 dinars le kilogramme et de la tomate qui a atteint les 70 dinars le kg. Le prix de la laitue cédée à 70 dinars le kg reste, également, élevé, tout comme ceux des fruits et des condiments, vendus à ciel ouvert par des gamins qui ignorent les risques qu'ils font courir aux clients. Aveuglés par le gain, certains vendent de la sardine en plein soleil, faisant fi des mesures en matière d'hygiène. Fort heureusement, les clients se sont rabattus sur les articles de vaisselle et les vêtements. Sorte de caverne d'Ali Baba, au marché de Bachdjerrah on y trouve de tout au grand bonheur des ménagères qui pensent, déjà, à l'après-Ramadan et à l'Aïd. «Je préfère m'y prendre dès maintenant, plutôt que d'attendre la veille de l'Aïd pour acheter des vêtements à mes enfants», nous dit cette mère rencontrée à l'entrée du centre d'affaires du coin. Une autre a opté pour des habits moins chers, en s'adressant à un des vendeurs ambulants qui écument la place. «J'ai acheté un petit ensemble pour mon fils qui est âgé de dix ans. Maintenant, j'essaie d'acheter une robe pour sa soeur ainée», indique-t-elle. Les marchands de vaisselle se frottent les mains. De nombreuses clientes se pressent devant les étals de fortune installés à même le sol. Un enfant tenu par la main par sa mère a failli renverser des assiettes qui lui barraient le chemin. Un autre a, carrément, marché dessus au moment où il s'apprêtait à rejoindre sa mère qui l'accompagnait. Devant tous ces marchands et cette marée humaine qui a investi les lieux, les gens de passage sont obligés de jouer des coudes pour pouvoir se frayer un chemin. Le marché de Bachdjarrah est devenu trop exigu pour accueillir tout le monde.