La disparition dramatique de l'expert britannique induit une nouvelle dimension à la controverse sur les ADM. Alors qu'à Londres des voix de plus en plus nombreuses se font entendre pour réclamer la démission du Premier ministre, Tony Blair, ce dernier, en tournée dans le sud-est asiatique, a affirmé, hier à Séoul, à la chaîne Sky News, qu'il «entendait absolument poursuivre son mandat.» M.Blair avait également exclu l'éventualité d'un rappel du Parlement qui eut, souligne-t-on, à examiner l'affaire du dossier «gonflé» des ADM par, notamment, l'audition de l'expert du gouvernement britannique, David Kelly. Celui-ci, scientifique habitué à d'autres concepts de vie et habitudes de comportement, semble avoir été choqué, voire traumatisé, par la manière - proche du maccarthysme selon d'aucuns - avec laquelle les députés l'avaient interrogé. L'homme, chercheur et expert reconnu dans son domaine, la microbiologie et spécialiste de l'armement irakien, a ainsi découvert un monde tout autre que celui de la recherche scientifique auquel il était habitué. Comme le soulignent des analystes britanniques, le Dr.Kelly a été «victime de la manipulation politique de l'information de Downing Street». Aujourd'hui, il ne fait plus de doute, aux yeux des observateurs et analystes, que les services de Downing Street - siège du Premier ministère britannique - ont une part de responsabilité dans le drame que vit la famille Kelly. D'abord sur la défensive - au fur et à mesure des révélations sur le dossier des ADM irakiennes et, notamment, sur l'affaire de l'uranium nigérien qui s'est avéré un dossier vide et bidon - Tony Blair se trouve aujourd'hui sur le gril, singulièrement après le suicide apparent du Dr Kelly. Résultat: il ne fait plus de doute, des pressions qu'il a eues à subir de la part de Downing Street, après les révélations qu'il a faites à un journaliste de la BBC, (qui a reconnu hier que le Dr Kelly était bien sa principale source), sur le non-fondé des accusations britanniques contre l'Irak. L'affaire a maintenant une telle dimension que M.Blair, quoiqu'il ait pu affirmer ces dernières quarante huit heures, sera, d'une manière ou d'une autre, contraint de tenir compte de son opinion publique et des pressions que ne manqueront pas d'exercer sur lui le Parlement et l'opposition afin, outre connaître la vérité sur la guerre contre l'Irak - dont il a été l'un des instigateurs avec le président américain G.W.Bush - quitter éventuellement le pouvoir avant le terme de son mandat. le Premier ministre britannique a entamé un plongeon en chute libre comme le montre le sondage de la chaîne Sky News, selon laquelle, aujourd'hui 60% de l'électorat demande à M Blair de partir. Une chute qui n'en sera que plus dure, d'autant que son crédit s'est effondré depuis la guerre contre l'Irak. La mort de David Kelly, victime finalement des manipulations autour des supposées armes de destruction massive de l'Irak, risque en fait de signer, à terme, la fin de la carrière politique de Tony Blair. Après l'annonce de la mort de l'expert britannique, le Premier ministre britannique avait ergoté, indiquant: «Comme pour tout le reste, il faut avoir des épaules solides pour faire ce métier. Je les ai» . Affirmant aussi: «Evidemment, je pense que je fais ce qui est bien pour le pays, sinon je ne ferais pas ce travail». Certes, mais il semble bien maintenant qu'il réalise que les citoyens britanniques n'ont plus confiance en lui, ce qui l'amena, sans doute, à mettre de l'eau dans son vin lorsqu'il s'est déclaré, hier à Séoul, «prêt à témoigner dans l'enquête» qui doit être ouverte sur le suicide de l'expert David Kelly. Mais serait-ce suffisant? Le fait est que M.Blair, plus que jamais sur le gril, doit s'expliquer, et expliquer de nombreux points non élucidés tant autour de l'expert britannique que du dossier sur les armes irakiennes de destruction massive. Aujourd'hui, c'est l'ensemble de la communauté britannique qui s'interroge sur les développements induits par la guerre contre l'Irak. Peu d'analystes sont en fait satisfaits par l'enquête ordonnée par le gouvernement sur la mort du Dr Kelly, comme le résume parfaitement l'éditorial de l'Independent on Sunday d'hier qui écrit: «Nous avons besoin d'une enquête plus large, sur les véritables raisons pour lesquelles ce pays a été engagé dans une guerre qui a eu pour victimes non seulement trop de vies humaines, mais aussi la confiance du pays dans ses dirigeants». L'avenir politique de Tony Blair est bel et bien dans la balance.