Le Chef du gouvernement et le secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, ont scellé, hier, une alliance qui dépasse le cadre du seul sujet économique. Au-delà des enjeux suscités par un front social par trop exacerbé, les deux hommes risquent de devenir des partenaires indispensables dans un futur proche. Même si cette bipartite intervient après la tripartite de novembre 2000, ce qui constitue la seconde en moins d'une année pour l'équipe Benflis, sa signification politique est d'un tout autre ordre. Sur les quatorze points discutés, quatre ont été définitivement tranchés par la bipartite, alors que les autres seront traités dans le cadre de sous-commissions d'ici à janvier 2002. Parmi ces points, la question des salaires impayés va trouver une issue positive pour l'ensemble des travailleurs concernés, ce qui est un succès syndical de plus pour le staff de Sidi Saïd. Mais le SG de l'UGTA n'aura pas eu à forcer ses talents de négociateurs pour atteindre ces résultats probants qui vont, indéniablement, renforcer son autorité sur un monde syndical en plein bouillonnement. Car, en face de lui, se tenait un Ali Benflis tout à fait disposé à faciliter la tâche du syndicat, dans la mesure où un deal politique entre la Centrale et l'Exécutif se dessine. Benflis et Sidi Saïd ont tous les deux les yeux tournés vers... juin 2002 et les prochaines échéances électorales. En bon stratège, Benflis sait qu'aucun parti politique n'est en mesure de remporter des élections municipales et législatives sans le concours du monde du travail. Le Chef du gouvernement procède ainsi par étape. Après avoir bouleversé la structure décisionnelle du FLN, remaniant quasi complètement le BP du parti (seul Karim Younès a survécu au naufrage du clan Benhamouda), Benflis «drague» le syndicat qui représente, avec ses milliers de travailleurs, un potentiel électoral primordial. Dans cette perspective, les deux hommes jouent serrés. Pour Benflis, qui possède dorénavant les deux casquettes de Chef du gouvernement et de leader du FLN, le tout est de faire profiter son parti de ses accords sociaux et de présenter aux électeurs un bilan ministériel favorable quant aux acquis sociaux. A la manière du gouvernement socialiste de Jospin en France, Benflis devra faire attention à ce que son bilan économique et social à l'Exécutif ne soit pas un handicap politique et électoral pour lui et son parti. Sa marge de manoeuvre au sein du FLN risque d'être confondue avec sa gestion gouvernementale d'où les concessions de taille faites à un Sidi Saïd qui n'en demandait pas tant. Mais à chaque deal, un prix. Celui que doit payer Benflis à l'UGTA se répercutera sous la forme d'un partenariat privilégié avec la Centrale sans ouvrir la concertation sociale à d'autres partenaires. Sidi Saïd compte des «ennemis» politiques au sein même de son parti qui voient d'un très mauvais oeil l'alliance UGTA-FLN qui s'ébauche actuellement. Principaux récalcitrants, les sept députés du RND, qui, présents au sein du Conseil national de l'UGTA, multiplient les pressions afin que les négociations sociales ne soient pas suivies d'un accord politique qui pénaliserait le parti d'Ahmed Ouyahia. Le monde ouvrier ne semble pas très regardant sur les alliances que peut tisser l'UGTA puisqu'il réussit à renforcer les acquis sociaux. En 1997, le RND a bénéficié de ces accords tacites. Le Président Bouteflika en a également profité en 1999, lorsque Sidi Saïd avait opté pour l'appui à sa candidature. Et à la sortie de cette bipartite, Benflis aura certainement acquis la certitude que le soutien de l'UGTA au FLN est en route à moins d'un accident improbable ou d'une volte-face du patron de la Centrale syndicale.