Le ministre de l'Intérieur, estiment des observateurs, devrait interdire la réunion illégale des anti-Benflis afin de mettre un terme à sa politique de deux poids deux mesures. C'est à la lumière de faits de ce genre que le machiavélisme de certains décideurs apparaît dans toute sa splendeur. Les terribles incidents d'Oran n'annonçaient rien moins que des dérapages autrement plus dangereux, voire carrément sanglants et mortels. L'administration, qui semble avoir mûrement calculé son coup, indiquent des sources crédibles et recoupées, «devait préparer un scénario pareil à celui qui avait émaillé la terrible et mémorable marche des ârchs du 14 juin 2001». En clair, «le pouvoir aurait pu jeter dans la rue ses propres agitateurs, armés de haches, de couteaux, afin de commettre l'irréparable et que le secrétaire général du RND en soit accusé». Ali Benflis, en fin juriste qu'il est, ne s'est pas laissé prendre à ce grossier piège. Il convient de le souligner, les militants du FLN, aussi, sur appel des mouhafedhs, dépités par le comportement hostile et irresponsable de l'administration, étaient bien résolus à en découdre avec leurs détracteurs. «Advienne que pourra», lancent-ils à la cantonade, prêts à défendre jusqu'au bout l'autonomie, la première place et les résolutions du 8e congrès de leur parti. Des militants pareils, se sentant dans leur plein droit, sont capables du meilleur comme du pire pour défendre ce qu'ils pensent être des acquis légalement, politiquement et démocratiquement obtenus. Ali Benflis, donc, en appelle avant tout au sens civique de ses militants et sympathisants, afin que l'histoire ne retienne pas qu'un jour il lui eut été donné d'éviter que le sang ne coulât et qu'il ne le fît point. Or le ministre de l'Intérieur saura-t-il faire montre d'autant de grandeur de vue et de patriotisme? Rien n'est moins sûr. De même que Yazid Zerhouni a interdit la marche d'Alger pour les raisons que l'on sait et d'autres que l'on suppute aisément, il devrait, estiment tous les observateurs objectifs, «interdire la rencontre de ce jeudi». Le ministre de l'Intérieur, bien informé de ce qui se passe sur le terrain grâce à ses services, précisent encore les mêmes sources, «n'est pas sans ignorer que les anti-Benflis se réunissent sous la houlette d'une association estudiantine mais qu'une fois dans la salle, ils brandissent les banderoles et les slogans du FLN». La réglementation est de la sorte doublement transgressée. D'abord en permettant la tenue de rencontres propres à un parti politique donné sans l'assentiment de sa direction. Ensuite, en reconnaissant implicitement (à peine) l'existence de liens organiques entre cette organisation estudiantine et les adversaires de Benflis alors que la loi organique de 1997, relative aux partis politiques, interdit et réprime ce genre de choses. Toujours est-il que si Yazid Zerhouni n'interdit pas la marche d'Alger en réponse au geste altruiste et patriotique de Ali Benflis, il commencera à jouer à visage découvert, puisque son plan, dès lors, consisterait à attendre «fièvresement» les documents relatifs à la nouvelle direction du FLN selon la volonté de la rencontre de ce jeudi que se proposent de tenir, contre vents et marées, les adversaires de Ali Benflis. Yazid Zerhouni, en effet, ne semblait attendre que le prétexte pour «sévir» contre la direction légitime du FLN. Voilà que l'occasion lui en est donnée puisque le secrétaire général du FLN, dans une lettre adressée aux mouhafedhs et aux militants, a indiqué privilégier le peuple et le pays aux intérêts partisans. Une noblesse que peu de gens du sérail peuvent comprendre lorsque l'appât de la future présidentielle les rend prêts à mettre l'Algérie à genoux, à feu et à sang, pour atteindre ce but...Aujourd'hui, dimanche, quatre jours nous séparent encore de ce jour fatidique. Un coup de théâtre n'est pas à exclure puisque la force devra toujours rester du côté de la légitimité, de la morale et du droit...